AVENTURE AU MALI
par Seb Patry
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  Notre globe-trotteur-collaborateur, Seb Patry le Grand, est parti en Afrique, puis à Chypre, puis en Crète, en Grèce, et en Italie, depuis l'hiver dernier. À bord de son catamaran marrant, sur son petit réchaud au gaz propane, il est en train de nous mitonner le récit de toutes ces pérégrinations terrestres autant que nautiques, pour publication internautique ultérieure. En guise d'apéro, nous publions ce mois-ci le texte inédit de son périple de l'an dernier au Mali. Pour les experts inconditionnels de Ma Commune Légère, ce texte vient s'imbriquer chronologiquement à la suite de l'article sur la plongée sous-marine en Tunisie, publié ici même en octobre 2001.
 

   L'aéroport de Bamako, le 12 janvier 2001, 8:30 PM. — En quittant la Tunisie après un séjour de plus de quatre mois, je croyais avoir une bonne idée de ce qu'était l'Afrique. Mauvais calcul de ma part. Le choc de mon arrivée à Bamako fut extrêmement brutal. Tout d'abord parce que c'est la cohue, simplement pour descendre de l'avion. Je voyageais avec un groupe de pèlerins rentrant de La Mecque, chargés de sacs de riz, de manioc, avec des gourdes et des « jerrycans » remplis de l'eau magique du puits de Zamzam. C'étaient pour la plupart des semi-nomades de la tribu des Peuhls, et ils avaient les manières brusques correspondant à leur mode de vie. Les femmes étaient très belles. J'avais découvert que, pour se nettoyer les dents, à l'instar des hommes, elles employaient un bout de bois qu'elles frottaient sur leurs gencives et leurs dents, crachant çà et là un petit morceau de bois où bon leur semble, ce qui, d'après moi, retranchait un peu à leur charmante élégance. Après les formalités de la douane, j'arrivai dans une petite salle exiguë remplie à craquer de monde. Au centre, un unique tapis roulant minuscule tournait, avec une ou deux valises anonymes dessus. Deux heures passèrent, et la foule s'amenuisait un peu. De nombreuses valises, et nombre de colis de toutes sortes, furent enfin déposés sur le fameux tapis roulant, point focal de toutes les attentions.

   Deux autres très longues heures filèrent, et ce qui restait de la marée humaine se déplaça vers le fond de la pièce pour y former une file, devant une porte close. Les gens dans cette file se divisaient en deux groupes bien distincts. D'abord, les Maliens, qui adoptaient une attitude nonchalante, assis par terre à somnoler, bavarder et ricaner. Ensuite, les blancs, les autres, debout à s'impatienter, à tourner en rond. Je me souviens même d'un Allemand qui a réussi à m'impressionner tant il est devenu cramoisi à force de s'époumoner contre un commis de Royal Air Maroc. Bref, au petit matin, c'était à mon tour de faire cette queue menant au « Bureau des Réclamations et des Objets perdus ».

   Après mes déboires à l'aéroport, je pris un taxi. Il était plus de quatre heures du matin et j'étais rompu de fatigue. Je quittai donc ce cher aéroport international de Bamako, sans valises, sans aucune idée de l'endroit où j'irais. Le chauffeur me conseillait le «Grand Atlas », hôtel tenu par une famille marocaine. J'acquiesçai. Le prix de la course me parût exorbitant, mais, à cette heure, c'était l'unique taxi du coin.

   Durant le trajet, mon chauffeur m'expliqua qu'il fallait faire d'énormes détours afin d'éviter les carrefours où se trouvent des policiers en faction! Je ne saisis pas trop de quoi il retournait car j'étais épuisé, et ne posai pas de questions. À mon arrivée au «Grand Atlas » je demandai les prix, qui, à première vue, me parurent convenables, et montai immédiatement me coucher. Le lendemain, vers dix heures, je me relevai, et calculai que cette chambre revenait à environ soixante-quinze dollars U.S. la nuit. Merde. Pour l'un des pays les plus pauvres de la terre, les hôtels sont très chers! Je louai un chauffeur et son taxi pour l'avant-midi, et nous partîmes me trouver des vêtements. Je m'achetai un boubou, des pantalons blancs. Je magasinai pour un autre hôtel et constatai que pour cette classe, le mien était plutôt abordable. Effectivement, il existait deux classes d'hôtels dans cette ville: les bordels (crado, pas cher), et les soi-disants hôtels « de luxe » (avec un prix qui va de pair). Par chance, le lendemain, mon super chauffeur (Boubacar de son prénom) me dégota une charmante pension chez une dame belge dans le quartier résidentiel de Nuaréla.

   Le troisième jour, pour réduire les dépenses, je louai une mobylette pour pouvoir me déplacer. La vision apocalyptique de cette ville commença vraiment à se dessiner. Pour décrire Bamako la coquette sans être trop négativiste et cynique, cela prendrait un talent et une imagination qui me font défaut. Voici donc mon opinion de la ville...

   Le premier détail qui frappe dans cette cité, c'est le mélange hybride de rural et d'urbain. En effet, en plein coeur du centre-ville, on retrouve des troupeaux de vaches qui broutent dans les champs d'ordures, avec le papier et les vieilles conserves comme menu. Les rues des faubourgs sont jonchées de poulets et de chèvres se promenant en toute liberté. En construisant la ville, les urbanistes (s'il y eut vraiment une planification urbaine) ont omis de prévoir des égouts! Bamako est donc par le fait même une cité de plus d'un million d'habitants... avec des égouts à ciel ouvert. Ce pestilentiel problème entraîne et facilite une autre calamité, plus terrible encore: il permet aux moustiques de proliférer à l'année longue. Le paludisme (ou malaria) touche presque toute la population urbaine. Un vrai désastre de santé publique.

   L'état des routes de la ville est à la hauteur de son système sanitaire. Lorsque c'est l'armée qui bâtit une route, on dirait « un champ de mines », et lorsque ce sont les Chinois, c'est un petit peu mieux! Après une journée de va-et-vient en mobylette dans ce brouhaha complet, tous mes vêtements étaient couleur chips Doritos, d'un beau jaune orangé: la couleur de la pyrite, ce sable que l'on retrouve partout en Afrique. Au tout début, je rigolais de voir les locaux avec leurs grosses écharpes autour du cou. Il fait trente-deux degrés Celsius à l'ombre! Alors, pourquoi les écharpes? Une semaine plus tard j'avais une bonne infection à la gorge: poussière et pollution combinées avaient fait leur oeuvre. Je pris l'habitude dès lors d'avoir en permanence quelque chose devant ma bouche.

   Le bon côté de ce pays, malgré un climat suffocant et les nombreuses maladies que l'on peut y contracter, c'est les Maliens. Aussi hostiles la chaleur et la poussière pouvaient être pour les étrangers, autant les locaux étaient gentils, accueillants et généreux. Je garde un souvenir inoubliable des Maliens et de leur hospitalité exemplaire.

   Dans trois semaines, les « Récits de la mer Rouge », avis à tous les corsaires et flibustiers du Web!  
  


Seb Patry 
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