CANNABIS FONDANT 4
(MELTING POT)
par David Pêle-Mêle
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  La série Cannabis Fondant, comme son nom l'indique, est un grand « melting pot » dans lequel David Pêle-Mêle (devenu, récemment, fou à lier) verse, en guise de thérapie, son fiel corrosif sur tous les sujets qui l'horripilent, et ceux-ci sont légion, évidemment. C'est le docteur Gary, qui l'écoute, oui: le même qu'on peut voir dans Le monde de Charlotte. Ce mois-ci, c'est la quatrième séance.
 
 

MA THÉRAPIE LÉGÈRE
Quarte fournée

   Doc? Ah, oui, bonjour! Eh ben, comme on dit, hein? encore un été d'foutu, bordel de merde de saloperie. J'ai regardé la météo plutôt souvent pour savoir à l'avance s'il y aurait des journées de sursis où il ferait un peu, juste un petit peu moins, que ce quarante-deux degrés Celsius qui a bien failli me tuer psychologiquement. Je n'ai pas beaucoup existé, cet été. Il faisait trop chaud pour. Durant un bon mois au moins, j'étais terrassé, chez moi, en caleçons, sur mon divan, immobile, sous le feu croisé de mes deux ventilateurs: c'est pas une vie. Impossible d'exister, dans de telles conditions. Je me suis enfoncé dans le puits catatonique. Je viens juste de sortir et il y a eu encore quelques journées « étouffantes » le 31 août et le 8 septembre, entre autres. Rhhââaah! Et le pire dans tout ça, c'est que dans deux semaines, on va se geler... Transition? Demi-mesures? Nope, baby! Et vive le Québec, pas vrai? Oui... Et vive moi surtout quand je foutrai le camp du Québec pour vraiment toujours et que je m'installerai à Tahiti, et que je vivrai à poil sur des plages avec les vahinés dans une contrée climatiquement à dimension humaine (où il fait, en moyenne, 22 Celsius en janvier, 22 en février, 22 en mars, 22 en avril, 22 en mai, 22 en juin, 22 en juillet, 22 en août, 22 en septembre, 22 en octobre, 18 en novembre quand c'est la mousson, et 22 en décembre: el paradisio!).

   Et, le plus étonnant, c'est que tout le monde n'était pas affalé comme moi, devant des ventilateurs: il y en a qui sont tout de même allés dans des bains de foules, dans toutes sortes de festivals que je sais même pas les noms de, et qui on fait du bungee, qui ont bu, baisé, mangé, crié, sué, et cetera. Agitation humaine, es-tu folle? En tout cas, moi, j'ai rien fait de tout ça: j'avais « haud » (vous savez, lorsqu'il fait même trop chaud pour se forcer à prononcer le son « ch » au début du mon « chaud »? Fa haud! Y fa haud! Pfou! Et, parmi ces gens actifs (qui ont allègrement pourfendu la Loi du non-agir complet de maître Ta chwang you king lun) on retrouve bien sûr nos potes les squatters. Ah, les adorables « squ », comme Del Monte les appelle (squeegee, squatter: les activités qui constituent leur existence commencent toujours par ces trois lettres). Je les adore! Je n'ai rien contre eux mais je ne pige pas ce qu'ils revendiquent: « Davantage de logements sociaux... » Des logements, quoi? Sociaux? What do they mean? Il n'y a rien de plus antisocial qu'un logement. Les mots « logement » et « appartement » sont synonymes nous sommes d'accord là-dessus. Et « appartement» vient du Grec gshwyakx, et il y a aparté là-dedans. C'est-à-dire: à part, retiré, à l'écart du « social ». Je suis en parfait accord avec les squatters: ça manque d'appartements, et il y a trop de saloperies de condos! On veut des logements. Pas sociaux. Des logements, point. Et les sociaux, je ne sais pas ce que c'est, exactement, mais, chers amis, on s'en crisse comme du commencement du mois de février de l'an 1940.

   Heureusement, il y a eu, en août, les Championnats d'athlétisme, quelque part par là, à Edmonton. Youpi! Gary, vous m'écoutez?

   Reiko Tosa, marathonienne (Japon). Bras gauche flétri. Elle fait penser à une créature du Monster Manual II d'AD&D.

   Maria Mutola du Mozambique. La finale du 800m. Elle a eu un jour férié instauré en son honneur, au Mozambique, après sa victoire aux jeux de Sydney, et puis là à Edmonton, elle a gagné après un effort incroyable, saisissant, dans le dernier droit. Uh! Elle va être une déesse vivante, chez elle, à présent! Whoûa! Puis imaginez la baise qu'elle va s'offrir: le tonnerre va retentir! et les éléphants vont barrir! Ça va être dingue! J'adore cette femme. Elle est surhumaine sous tous rapports, et ça me plaît. L'antique expression grecque me revient: « les dieux du stade ». It's true, boys!

   Kelli White / Christie Gaines / Inger Miller / Marion Jones: les quatre filles du 4x100m. W-w-hat a treat! Combien, les quatre, pour une heure, m'sieur le souteneur? Allons, Gary, sois pas rabat-joie! Je te paie: je peux causer de quoi c'est que je veux!

   Svetlana Fefanova (21 ans et Russe) contre Stacy Dragila (30 ans et Américaine) dans la grande finale du saut à la perche... C'était très beau, d'assister à cette lutte... Chaque fois, juste au moment ou la perche pique par terre pour l'envolée on a peine à croire que ça va véritablement « lever », que ça va marcher, qu'un lourd corps humain puisse être catapulté, si haut, juste par la force d'un long bâton ployé comme une ligne à pêche avec le gros brochet au bout.

   À quatre mètres 70, elles passent toutes les deux. Quatre mètres 75 passent toutes les deux itou. Quatre mètres 82: l'Américaine est bonne, mais la petite Russe manque son coup. Mais tout de suite, la vieille (30 ans!) Dragila vient prendre la « petite Russe » par les épaules et c'est ensemble, à deux, qu'elles affrontent la horde des journaleux fous. Souriantes toutes les deux: c'est magnifique. Quel moment! C'est pour des moments tels que celui-ci... et non pour les sponsors, le cash puis les cérémonies, que l'on regarde ce genre de championnats sur-sponsorisés.

   Maurice Greene. Gagnant 100m. Sur la ligne de départ, une espèce de fauve en cage, menaçant, et qui tourne en rond... Mais jamais un seul faux départ! Les autres en font... pas lui. Professionnalisme, irréductible, indéfectible. Visage impassible. Pokerfaced. Puis, en entrevue, néanmoins, après la victoire, bas les masques: un garçon, ma foi, fort sympathique, pas hautain pour un sou, moins pressé que Marion Jones d'en finir avec l'entrevue, et souriant (on ne l'avait JAMAIS vu sourire), et articulé, et s'exprimant clairement.

   Tim Montgomery. Arrivé second au 100m. Le mec qui avait emprunté une paire de souliers à Marion Jones lors des « Golden Leagues » et qui a fracassé son record personnel avec ces godasses-là. Un jeune, pimpant, avec de grands yeux. Candide, confiant, et audacieux, sans s'enfler vraiment la tête pourtant. Un journaliste lui demande: Are You The Next World Champion? et Tim Montgomery de rétorquer: « Yes! Look for me! » Comment résister à tant de naturel?

   Ato Boldon. Arrivé quatrième au 100m. L'ami, et éternel rival de Maurice Greene! On n'a JAMAIS vu ses yeux... Verres fumés toujours. L'as des as des sprinters de la Trinidad and Tobago, qui a une très bonne équipe, et qui l'a prouvé au relais. Pas vu en entrevue. Mais c'est un personnage qui me mystifie. Je suis content qu'il soit là, courant toujours dans un corridor voisin à celui de Maurice Greene.

   Marion Jones. Arrivée seconde au 100m. Gagnante du 200m. Elle se dresse, comme une géante, au milieu de la ligne de départ; personne ne semble avoir de chance, tant qu'elle est là... Cette bombe (dans tous les sens du terme) franchit une distance de 100 bons mètres en quarante-huit foulées, donc deux mètres et plus par foulée. Et j'ai essayé, en voulant rattraper l'autobus que je venais de manquer: je n'ai jamais fait une foulée de plus d'un mètre et demi. Et puis, en fin de compte, il y a aussi le fait que Marion Jones est plus forte et plus mondaine et plus polyvalente que Maurice Greene car elle ne fait pas que le 100m. Elle fait aussi du 200m, du relais et du saut en longueur. Elle est cool! À présent, on connaît sa petite routine d'avant le départ: debout, elle se concentre, saute brusquement sur place, se penche à gauche, puis à droite, comme un boxeur qui évite deux coups, puis, elle se courbe en avant, se tape sur les cuisses, derrière, et devant, puis entre dans ses blocs de départ, place ses doigts par terre, regarde vers la ligne d'arrivée et rentre la tête dans les épaules, et baisse la tête, et attend le coup du départ... C'est liturgique. C'est mystérieux. C'est bizarre, mais passionnant aussi. Chacun de ces petits mouvements vient de quelque chose et il représente quelque chose; c'est son rituel. Et elle gagne TOUJOURS, sauf rare exception.

   Ekaterini Thanou. La seule blanche. Greece! Arrivée troisième au 100m. Pas vue en entrevue. Très jolie, tout de même.

   Zhana Blblbl-Block, d'Ukraine. Gagnante au 100m. What a surprise baby! She beat Marion Jones par une fraction de seconde. C'est cool en saint criss, que la Championne du monde du 100m, ne soit pas une Américaine, pour une fois, mais bien une Ukrainienne... C'est comme un renouveau. Pourvu que ça dure! En entrevue: euphorique... Pas eu le temps de pick up on quoi que ce soit d'autre. (See ya in Athens, honey! You're running with the big girls, now!)

   Autres « grands » événements « sportifs » y afférents: tennis et équitation, quel endormitoire! C'est d'un ridicule qui occis.

   Éric Lamaze: disqualifié parce qu'il avait pris de la cocaïne et réintégré su'son cheval, mais certains voudraient le redisqualifier et cetera. Foutez-lui la paix! On s'en sacre: si le cheval sniffait de la coke, là, ce serait grave, car c'est le cheval qui fait tout; mais le jockey? ce nono décoratif qui est assis sur le cheval? Mais il peut être gelé comme une balle! saoul comme une barrique qu'est-ce que ça peut sacré bon Dieu de merdement changer?

   Les soeurs Williams s'affrontent en finale du U.S. Open; « c'est le voeu le plus cher de la télévision américaine ». Ah oui? Nommez-moi une seule personne qui ait quoi que ce soit à branler de ce que peut bien être le voeu le plus cher de la télévision américaine? Je n'en connais pas, moi. Les soeurs Williams sont deux connes: aucune d'entre elles n'a la moindre conversation... Elles veulent juste se prouver mutuellement leur supériorité... Elles compétitionnent pour la reconnaissance et l'amour paternel. On n'a pas besoin de voir ça en prime time: faites ça dans votre cour, et bon débarras! Et puis, quelqu'un peut-il me dire ce que fichent les organisateurs du damné tournoi? Ne les faites pas commencer aux deux extrémités du tableau bordel de merde! Arrangez-vous pour qu'elles se retrouvent là, face à face, dès la deuxième ronde, et puis, ensuite, quoi qu'il arrive, il n'en restera plus qu'UNE en compétition. Merde. Réveillez!

 *

   Ma « rentrée artistique » à moi ç'a été très simple, doc: quinze dollars, en tout et pour tout, que ça m'a coûté et pas une cenne de plus. Je suis allé voir le film d'un ex-jeune gangster américain du nom de Frank Leclerc, et puis l'exposition de Sylvie Laliberté. Les deux le même jour. Puis ce fut tout. Merci. Bonsoir. Le reste, tout ce qui est animé par les Véronique Cloutier de ce monde, les galas, les émissions spéciales où l'on vous révèle pitoyablement l'ignoble programmation de réseaux minables, les Grandes Premières, la merde, la diarrhée annuelle habituelle, ça, je peux m'en passer. Mara peut sortir autant d'albums qu'elle le voudra et Marie Laberge et Michel Tremblay (qui à eux deux font l'entièreté de la rentrée littéraire, à chaque année, depuis les trente dernières années) peuvent publier autant de vingt-septièmes tomes de quoi que ce soit, et même Pierre Lambert, le « Chat », peut fonder des Clubs de hockey de l'Âge d'Or s'il le veut, j'm'en bat les oreilles.

   Moi, doc, il ne m'en faut pas beaucoup, vous le savez. Je survis avec peu, comme les bédouins: une figue, un bol d'eau, and let's go to the party! Mon peu, cette année, ça aura été ceci: des scènes de Une jeune fille à la fenêtre; des phrases sur des couleurs d'Oeuvre de politesse. « Everybody Loves Schubert. » «Parler avec quelqu'un peut être très long, surtout si on écoute beaucoup. » « Je ne serai jamais une actrice, juste une mère... 
- Moi, je ne serai jamais une pianiste, ni une mère... » « Il faut toujours prévoir du temps pour plus tard. L'expérience nous apprend que plus tard on manque toujours de temps. »

   Je suis peut-être fou, ça je m'en fous, mais j'ai une fulgurante et profonde gratitude pour la brise limpide, rafraîchissante, qu'on m'a offerte dans un été étouffant... car il n'y a pas que l'été qui soit étouffant: ça manque d'artistes comme Franky ou Sylvie ici, au Québec. On a Éric Lapointe. On a Isabelle Boulay. C'est ça que l'on a, Gary, vous le savez... Avec, juste de temps en temps, une (rare) Geneviève Letarte ou Sylvie Laliberté. Plutôt frugal ça comme repas intellectuel et émotif, moi, personnellement, je trouve!

 *

   Vive notre monde pourri, mais pas trop, à bien y penser... C'est une société de jeunes connards de dix-neuf ans abusant sexuellement de fillettes de cinq ans, mais nul n'a encore réussi à expliquer le problème. Naomi Almeira. Et le petite fille de cinq ans plus tôt ce printemps, violée par le jeune connard blond, avec une barbichette, genre biquette nul. Et la petite cubaine de quinze ans. Et la fille abusée par son père et ses deux frères. Ça n'en finit plus. Et dans chaque crime sordide il y a un jeune connard de dix-sept à dix-neuf ans. C'est une constante absolue, omniprésente. Et le reste, la vie en générale, qui n'est guère mieux. Les gens stressés, sur le pont, à qui on a envie de dire: allez donc habiter à Dubuque Iowa, il n'y a pas de ponts, la ville n'est pas bâtie sur une île, elle est bien à plat, et bien ouverte dans toutes les directions à d'innombrables autoroutes, et il n'y a jamais de traffic. Et aussi, les compagnies d'aviation qui font fermer les agences de voyage, pour récupérer le fric qui leur glisse des mains. Et Richard Martineau qui écrit « sa mère avait été une méchante castatrice »... Castatrice? De l'art de castrer le vocabulaire, oui-da! Puis toutes ces filles, qui vont au cinéma avec un sac à dos rempli d'on ne sait quoi, car trente-trois pour cent de l'espace de toute salle de projection reste occupé par des sacs à dos de filles, et soixante-sept pour cent seulement, par des êtres humains, ce qui fait chier. Ça n'est pas le parc du Mont-Tremblant, ici, saint calvaire de maudite marde... laissez vos sacs à dos chez vous ou dans vos tentes si vous habitez au parc du Mont-Tremblant! Qu'est-ce que vous transportez, là-dedans? Votre cuisine complète? Vos bagages? Votre chambre? Un set de salon? Et, en plus, elles perdent sans cesse leurs sandales en montant les escaliers ou en marchant. (Pourquoi vous achetez pas des pompes qui font le tour du pied entièrement... et qui ne se maintiennent pas uniquement par succion plantaire dégueulasse? Et personne veut les voir vos grands pieds blancs, de toute manière, et comme ça, au moins, vous pourrez vous mouvoir, fonctionner, manoeuvrer votre cul. Moi aussi j'ai des moufles en peluche laide, mais je les porte dans ma chambre, point! (Hé! hé! Gary! Ça coule de source aujourd'hui! Je tiens la forme!)

   Et Franco Nuovo, le plus con de tous, qui fait un article disant qu'il est allé se faire tatouer? On s'en câlisse-t-y? Tout le monde s'en fiche! Ça, c'est un sujet pour des gars de notre genre à nous, un non-sujet de chronique, un non-article, et un machin qui se doit d'être écrit par des mecs qui ont - à tout le moins - la décence de n'être pas payés! Mais pas Franco Nuovo! Il est payé, cet homme-là! Payé, cela veut dire qu'il doit effectuer des recherches intensives comme Foglia afin de se dégoter des sujets intéressants pour écrire sa putain de chronique à la noix. Mais? il ne le fait pas. Il remue pas son gros cul. Il nous parle de sa chère fille (parce que, comme Bernard Paré dans Virginie, il a une fille... mais elle ne doit pas être de Marie Plourde, car sinon, on le saurait - à moins que je ne prête vraiment pas suffisamment attention au petit monde gnagna des pseudo-vedettes -, et il gagne sa vie en "scribouillant" on ne sait trop quoi [encore une fois, comme Bernard Paré], et sa blonde c'est une sorte de petite valkyrie qui-n'a-pas-la-langue-dans-sa-poche et qui fonce toujours dans le tas, sans s'apercevoir qu'elle ne change jamais rien à rien [Virginie Boivin]... et la fille qui est de l'un mais pas de l'autre, c'est Claudie. On nage en plein téléroman!) Il nous parle de sa fille Claudie, donc. Elle s'est fait tatouer. Donc papa aussi va essayer ça, passque-qu'il-est-encore-jeune, de coeur, papa! Puis juste pour FAIRE SEMBLANT qu'il y a bel et bien un sujet sociologique à ses déblatérations, il nous raconte qu'il a demandé, en pleine séance, au mec qui lui faisait son tatouage: « Qui est-ce qui vient se faire tatouer ici? » Hmm, profond! Et puis il commence à dégobiller des âneries sur Popeye. Il est Popeye avec son nouveau tatouage sur le biceps. Popeye Nuovo... Et ça continue. Il n'arrête pas! Il parle de Popeye! Hélas pas le vrai Popeye, le personnage de Faulkner. Non! Ce serait trop exiger d'un béotien... Non: il s'agit bien entendu du Popeye de dessin animé. Le second Popeye. Celui que tout le monde connaît. Le Popeye nul. Puéril. Celui dont le nom fut impunément volé à l'autre et qui a fini par le supplanter, ça va de soi. Mais de quoi parle Franco Nuovo? De quoi? Si on enlève Popeye, si on enlève Claudie, si on ôte le tatouage et le père vieillissant qui-veut-continuer-à-avoir-l'air-cool, que reste-t-il de la sublime chronique de ce grand intellectuel? Oh! Pas l'ombre de la moitié du quart de rien du tout! J'oserais même pousser l'audace jusqu'à dire qu'il y a davantage de substance ici sur le site Ma Commune Légère, que dans une chronique de Franco Nuovo, et puis ça, vraiment, c'est l'insulte absolue et suprême! Moins de substance que... NOUS? Ça va mal à shop, comme on dit! Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ah! ah! ah! ah!

 *

   Dites, toubib, mon temps est-il écoulé? Non? Bon eh bien, enfin, je vais vous parler, finalement, de « LA » chose dont tout le monde parle, depuis quelques temps, à savoir, ce qui s'est passé le matin du onze septembre: le Rastaquouère s'est cassé un ongle, le bougre! Ah! ah! Mais non, allez, je suis pas si sot! Ben oui: l'attentat au World Trade Center, c'est bien évident. L'attentat. Boum!

   Regardez la réaction surannée des soi-disants « services secrets américains ». Eh! De vieux stratèges gâtouilleux issus de la Guerre Froide, qui, soudain, un an avant de prendre leur retraite, se sont étouffés avec leur cigare ou leurs dentiers à neuf heures du matin, mardi le 11, en marmonnant, frénétiquement: « Vingtdjiou d'bonyenne d'bon Dieu d'bon sang d'nom d'un chien! La v'là, la Troisième! » Et regardez leur protocole de « crise ». (Séparer le Vice-Président du Président. Fermer leur espace aérien. Faire zigzaguer le Président, incognito toute la journée, pour brouiller les pistes.) De vieilles méthodes. Du révolu! Alors que « eux » ont créé du neuf, un hybride inimaginable entre le détournement traditionnel, et le V2 nazi, les Américains seront encore en 1950, au fond! Bush fils aura hérité de cette façon de faire et de penser, de Papa Bush, la croûte en Chef, qui l'avait lui-même héritée de son big boss Reagan (l'acteur), qui l'avait lui-même héritée des années 50... Etc... Eh, non, les gars! Inutile de séparer ces deux andouilles. Inutile de faire zigzaguer, toute la sainte journée, ce pauvre George W. Hého! Aucun légume n'a jamais été la cible de quoi que ce soit... excepté la célèbre pomme de Guillaume Tell, qui n'était, d'ailleurs, pas un légume mais bien un fruit mûr.

   La fermeture des espaces aériens: y a-t-il des règles concernant ce genre de mesures? Les États-Unis ferment tout à coup leur espace aérien. Tant mieux pour eux. Hélas est-ce que ça signifie que nous, ici, on doit automatiquement se taper tous leurs gros avions bondés d'imbéciles heureux? Et selon quel accord? Vous fermez votre espace aérien? Parfait! nous aussi, figurez-vous, on le ferme... parce que (bon, mettons) on a eu deux alertes à la bombe, dans deux aéroports différents. Alors voilà! Vous êtes fermés; nous itou. Or où vont se poser les avions... les vols transatlantiques? Ils n'ont plus assez de carburant pour retourner en Europe, ou en Asie, alors, que font-ils? Ils s'écrasent, dans l'océan? D'accord: nous vous rendrons des points, à ce petit jeu-là, parce que, voyez-vous, nous n'avions que vingt-deux vols transatlantiques, et vous en aviez cent dix-sept... Lequel de nous deux sera celui qui va le rouvrir, le plus sacrément rapidement, son cher petit espace aérien, hein? Bande de morons. Ça vous dépanne, hein? Vous le prenez comme acquis, on dirait. Vous ne pensez plus aux autres. «Nous, c'est grave: on ferme; que nos vols se débrouillent avec nos voisins et que nos voisins se débrouillent également! » Non, ça ne fonctionne pas comme ça, les gars... Prenez vos grands avions, huilez-les et fourrez-les-vous dans le rectumius trouduculus. Puis, de toute façon, les pirates de l'air ne sont pas débiles: si leur bullseye c'est New York, ils ne jetterons pas leur dévolu sur un vol transatlantique "Paris-New York", parce qu'il n'y aurait presque plus d'essence dans l'appareil à l'arrivée, et ça ne ferait pas une jolie belle explosion + beaucoup de dégâts. Non. Les pirates choisissent des vols LOCAUX - mais longs, (pour qu'il y ait beaucoup de carburant, à bord, lors du décollage), et dont le point d'origine est à peu de distance de la cible, pour dépenser le moins d'essence possible. Alors vous voyez? ne stressez plus sur les vols intercontinentaux... Et même s'il y avait eu des terroristes à bord d'un vol intercontinental, le fait de fermer votre espace aérien et de nous refiler l'avion n'aurait pas aidé beaucoup: ils se seraient dit « Fuck! U.S.A. fermés. Bon, ben, tant qu'à y être, crashons une construction au putain de Canada, ce sera toujours bien ça de pris. Qu'est-ce qu'ils ont de plus laid? (Nous, nous ne détruisons que la mauvaise architecture: Pentagone et World Trade Chose, ainsi qu'une termitière défaillante dans un champ de joubarbe, en Pennsylvanie.) Leurs constructions les plus laides sont le Stade, la tour du CN et l'Université de Montréal et le Parlement... Slammons ben raide dans l'une de ces atrocités sans nom: il ne sera pas dit que nous aurons effectué cette longue traversée pour des prunes. » Je croyais qu'on ne faisait pas ça, entre pays. Se refiler des patates chaudes entre voisins prétendument alliés.

   Durant les deux premières nuits, pour le déblayage et essayer de retrouver des survivants, ils acceptaient tous les volontaires (qui avaient une quelconque expérience en la matière). Hélas, dès le 14, ce n'était déjà plus le cas: alors, il fallait être détenteur d'une accréditation délivrée par l'une de quatre compagnies bien précises qui, soudain, faisaient la « gestion » de ce site. Tiens! tiens! Un quelconque conglomérat spécialisé en démolition n'aura sûrement pas tardé à conclure une super-entente avec la ville de New York... lui assurant l'exclusivité des opérations -, imaginez: un million trois cent mille tonnes de débris à enlever... quelle aubaine, il y avait du CA$H à faire, avec ça. Sagissait juste d'être rapide! Cinq mille personnes sont décédées? Bah! On s'en fout: business is business my dear sentimental little friend!

   On offre déjà d'authentiques « morceaux du World Trade Center », sur le Net: il y a vraiment des gens que cette tragédie laisse bien froids et qui ne perdent pas de temps, dites donc, docteur!

   « Ils ont trouvé une bagnole avec un livre de pilotage en langue arabe ». Wow! Le mystère me semble résolu, alors. Mais, quel est le scénariste qui a écrit ça? La découverte de l'INDICE PARFAIT, de la pièce à conviction parfaite - juste au moment où l'on a besoin d'un méchant RESPONSABLE? Les pirates de l'air ont beau être des affreux terroristes, ce ne sont pas des imbéciles... Ils savaient que leurs corps seraient pulvérisés, qu'il ne subsisterait rien à rien... et, néanmoins, selon vous, ils auraient laissé traîner leur « manuel de pilotage » en « arabe » dans une bagnole abandonnée à l'aéroport de Boston? Franchement! Ne nous prenez pas pour des crétins idiots! Le manufacturing consent de Chomsky, ça n'est pas comme ça qu'on fait: vous ne comprenez même plus comment ça doit être fait? Un manuel de pilotage EN ARABE! Bande de caves! - Et pourquoi pas, puisque c'est lui que vous voulez absolument rendre "coupable" de ceci, une belle photo d'Oussama ben Laden, avec, griffonnée en-dessous, une phrase: « notre boss bien-aimé », puis aussi, une carte géographique de New York, avec le World Trade Center, entouré au crayon rouge? Bande de cons, va! Arrêtez de capoter. Pff! Les responsables de tout ça sont probablement des Blancs anglo-saxons qui s'appellent Cooper.

   Et les grosses bonnes femmes, qui se ruaient pour acheter toutes les cartes postales de New York, où l'on pouvait voir la silhouette (qui de toute manière, était un peu inélégante) de l'ex-World Trade Center, sous prétexte que ces cartes vont, à présent, prendre de la valeur. Misère de misère! Le CA$H, encore... Regarde, ma grosse: ça vient juste de péter, et les cendres ne sont pas encore tout à fait froides que déjà, toi, comme une épaisse, tu recommences à entasser de la poudre pour que ça repète un jour. As-tu un cerveau, ou pas?

   Le crétin qui se filme lui-même, en contre-plongée, avec la tour Nord en fumée, et qui capture par hasard les images du second avion qui frappe. Coup de pot. Félicitations! Jackpot comme on dit... CNN lui a sûrement donné cinquante mille dollars pour ce ruban. Mais il ne faut pas oublier, dans tout ça, le mec lui-même: un touriste nul fort probablement, qui s'est dit: « Fichtre! un avion fonce dans un gratte-ciel, pendant que mon cul est à New York, filmons-moi devant ceci! héh! hé! » Quel hydrocéphale, ce gars! Cela se peut-il? On le voit là sur l'image, en un angle montant, mais que fait-il? qu'est-ce qu'il FOUT? Il parle à quelqu'un qu'on ne voit pas, sur le film: il « chatte », comme on dit... Il se filme lui-même avec le gratte-ciel fumant en arrière-plan, et il est là, assez relax, en train de (disons le mot) « scèner », finalement! Mais toute l'horreur de cet attentat mise à part, ce n'est là en fin de compte qu'un scèneux de plus, qui a été chanceux, et qui s'est fait cinquante mille dollars à cause de son propre narcissisme naïf et bête. Je trouve ce pauvre con un peu pathétique, et j'aurais voulu que la gigantesque antenne télé de soixante-dix mètres de haut lui tombe dessus, dans l'oeil.

   Et une autre perle, sémantique cette fois: « Nous recherchons le ou les coupables activement... » Ça alors? Activement? Sans blague? Eh ben ne cherchez plus: ils sont tous morts, tous les seize, vlan! Voilà! Ils sont morts dans le crash eux aussi, oui, avec leurs cinq mille victimes. « Non: nous voulons dire, les VRAIS coupables. » Et justement. Les vrais coupables. Ce sont eux. Et ils sont crevés. Il n'y a pas d'autres coupables, hé! À moins de revoir complètement la notion de culpabilité - le « coupable », c'est celui qui appuie sur la gâchette, ou c'est celui qui tranche la gorge du copilote et qui détourne l'avion et qui le flanque volontairement dans une firme de courtiers du cent troisième étage. Pas les autres, autour. Pas ceux qui leur ont appris à piloter ou encore à se servir de leur x-acto. Qu'est-ce que c'est que cette connerie? Your logic is flawed, boys! Le coupable, ce n'est pas (par exemple) celui qui vend un gun à une grosse légume comme Marc Lépine. Le coupable, ce n'est pas non plus le propriétaire du club de tir où Marc Lépine est allé s'entraîner. Le coupable, c'est Marc Lépine, point et à la ligne... Donc dans ce cas-ci, si l'on applique un pareil raisonnement, les coupables sont ceux qui ont détourné les avions. Mais pas ceux qui en ont beaucoup discuté et qui n'ont rien fait. J'ai souvent beaucoup discuté de me zigouiller le Rastaquouère à coups de machette... mais je n'ai rien fait. Vos coupables, ce sont ces pirates de l'air. Et puis ils sont morts! Affaire classée. C'est une question de rhétorique. Du moment où les « coupables » d'un crime ne sont plus "directement" ceux qui commettent le délit en question, on a un petit problème. Et si vous bombardez l'Afghanistan et que ça crée une sordide guerre civile au Pakistan et que les armes nucléaires pakistanaises tombent dans des mains extrémistes et que, dans tout ceci, Saddam refait des siennes pour l'occasion, et que l'Inde profite du moment où le Pakistan est divisé pour agresser cet ennemi héréditaire, là, le monde sera-t-il plus avancé selon vous, ma bande de cowboys?

   Parlant de perles rares... Merci, brigadier-général Machin de la Gendarmerie Royale du Canada pour la déclaration: « La rispote doit être rapide. En général, dans ce genre de situation, une rispote se fait dans un délai assez court. » Magnifique! La rispote, vraiment? Et ça ne peut plus être une erreur: le gars a employé le mot à DEUX reprises dans DEUX phrases... La rispote! Wow! Et dire que c'est ce genre d'hommes qui ont, en quelque sorte, le doigt sur le bouton de toute une panoplie de missiles et d'armes atomiques!

   Merci beaucoup, brigadier-général Machin, pour ce nouveau verbe: RISPOTER. Si vous le permettez, docteur, nous, à Ma Commune Légère, toujours énergiquement préoccupés de l'amélioration de la langue et de son enrichissement, tenons à offrir, à nos lecteurs émerveillés, ici, en pleine séance de psychanalyse (eh oui) et en grande primeur mondiale (du moins dans ce que Louise Beaudoin appelle pompeusement « La Francophonie »), le tableau complet de la déclinaison de cette trouvaille, de ce verbe tout neuf, à peine sorti du four militaire:


R I S P O T E R


 
INDICATIF
- Présent -
Je rispote
Tu rispotes
Il rispote
Nous rispotons
Vous rispotez
Ils rispotent
- Imparfait -
Je rispotais
Tu rispotais
Il rispotait
Nous rispotions
Vous rispotiez
Ils rispotaient
- Passé simple -
Je rispotai
Tu rispotas
Il rispota
Nous rispotâmes
Vous rispotâtes
Ils rispotèrent
- Futur simple -
Je rispoterai
Tu rispoteras
Il rispotera
Nous rispoterons
Vous rispoterez
Ils rispoteront
 - Passé composé -
J'ai rispoté
Tu as rispoté
Il a rispoté
Nous avons rispoté
Vous avez rispoté
Ils ont rispoté
- Plus-que-parfait -
J'avais rispoté
Tu avais rispoté
Il avait rispoté
Nous avions rispoté
Vous aviez rispoté
Ils avaient rispoté
 - Passé antérieur -
J'eus rispoté
Tu eus rispoté
Il eut rispoté
Nous eûmes rispoté
Vous eûtes rispoté
Ils eurent rispoté
 - Futur antérieur -
J'aurai rispoté
Tu auras rispoté
Il aura rispoté
Nous aurons rispoté
Vous aurez rispoté
Ils auront rispoté

 
SUBJONCTIF
 - Présent -
Que je rispote
Que tu rispotes
Qu'il rispote
Que nous rispotons
Que vous rispotez
Qu'ils rispotent
 - Passé -
Que j'aie rispoté
Que tu aies rispoté
Qu'il ait rispoté
Que nous ayons rispoté
Que vous ayez rispoté
Qu'ils aient rispoté
- Imparfait -
Que je rispotasse
Que tu rispotasses
Qu'il rispotât
Que nous rispotassions
Que vous rispotassiez
Qu'ils rispotassent
 - Plus-que-parfait -
Que j'eusse rispoté
Que tu eusses rispoté
Qu'il eût rispoté
Que nous eussions rispoté
Que vous eussiez rispoté
Qu'ils eussent rispoté

 
IMPÉRATIF
- Présent -
Rispote
Rispotons
Rispotez
- Passé -
Aie rispoté
Ayons rispoté
Ayez rispoté

 
CONDITIONNEL
 - Présent -
Je rispoterais
Tu rispoterais
Il rispoterait
Nous rispoterions
Vous rispoteriez
Ils rispoteraient
- Passé première forme -
J'aurais rispoté
Tu aurais rispoté
Il aurait rispoté
Nous aurions rispoté
Vous auriez rispoté
Ils auraient rispoté
- Passé seconde forme -
J'eusse rispoté
Tu eusses rispoté
Il eût rispoté
Nous eussions rispoté
Vous eussiez rispoté
Ils eussent rispoté

 
INFINITIF
 - Présent -
Rispoter
 - Passé -
Avoir rispoté

 
PARTICIPE
 - Présent -
Rispotant
- Passé -
Ayant rispoté

   Gary? Gary? Eh! Vous  D O R M I E Z  ?  Ah, ben, ça alors!
 
 
 

David Pêle-Mêle 
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