La série Cannabis Fondant, comme son nom l'indique, est un colossal
« melting pot », dans lequel David Pêle-Mêle (devenu,
récemment, fou à lier) déverse, en guise de thérapie,
son fiel abrasif sur tous les sujets qui l'horripilent, et ça inclut
un tas de choses, évidemment... C'est le docteur Gary, qui l'écoute,
mais Charlotte elle-même n'est jamais présente, car ce n'est
pas pour des oreilles d'enfant, tout ceci. C'est ce mois-ci la cinquième
séance, les amis.
MA THÉRAPIE LÉGÈRE
Quinte fournée
Ah, doc! Je suis bien malheureux...
Imaginez-vous que je croyais encore un peu en l'humanité mais j'ai
commis la gaffe impardonnable de lire un illustré, et à présent
c'est foutu. Vraiment, j'ai perdu mes dernières demi-illusions!
Bouh-hou-hoûûh!
Imaginez-vous qu'il existe
quelque part des bonnes femmes que de maladroites mères ont baptisées
de noms incroyables et qui ont même hérité de patronymes
hallucinants, bien risibles: Violaine de Saint Vaulry, Caroline Mesnil,
Diane de Monteynard, Anne Lefèvre et toute une kyrielle d'autres,
plus invraisemblables les uns que les autres et qui pourraient être
des personnages de Robert Ludlum... Imaginez qu'elles se mettent ensemble,
et qu'elles pondent, (tel est bien le mot, dans un poulailler, ce me semble)
des magazines féminins, pour un lectorat féminin, sur des
sujets féminins? Ça donne quoi?
Mots inexistants: «
le people assaisonné à la thaï » (le people? vous
voulez dire le gens? What the f...); « comme d'hab »
(d'hab?); « pièces classieuses » (classieuses?); «
relooker » (??); « la mode world » (world?); «
newppies » (le new what???): « overbookés » (??);
« le luxe multimarque » (multiquoi?). Et j'en passe.
Je suis fort aise de m'être
initié à ce pidgin, mais bon, je n'y comprends rien; Foucauld
et Joyce, à côté de ça, c'est limpide. Ces femmes
sont de sacrés numéros; elles aiment, elles n'aiment pas,
et elles recommencent à aimer, et puis elles re-n'aiment pas. Le
monde change, beau ou laid, au gré de leurs petites humeurs personnelles,
et elles font partager tout ça à des millions d'autres humeurs
tout aussi personnelles, mais qui ne disposent pas d'une tribune pour se
regarder fémininement le nombril.
Elles aiment le retour de
l'optimisme en France... Mode pimpante en rose et parme (sic), et
ambiance cocorico (sic), et remake de la Coupe du monde de foot
(sic), avec victoire de l'Euro par les Bleus (on n's'en crisse-t-y
pas juste un tout petit peu?), mini baby-boom (la belle affaire!), et renouveau
du mariage... normal, 2000, c'est fastoche à retenir (fastquoi?).
Bref, une supercuvée (sic).
Elles n'aiment pas la bouffe
de certains « restos »: Quand on se voit obligée de
se dépatouiller avec une frisée, disent-elles. Euh! Se quoi?
avec une quoi? Mais, quelle langue parlent-elles? Et puis, pourquoi bouffent-elles
au restaurant? Ne savent-elles pas que l'on peut se faire à manger
chez soi... et que c'est encore plus snob?
Elles aiment les téléphones
mobiles sur lesquels on programme la sonnerie de son choix soi-même.
Parce que, y en a marre de se taper la musique gnangnan de miss Tout-le-monde
(c'est leur peur, la plus viscérale, ça, n'est-ce pas...
d'être prises pour des miss Tout-le-monde; mais elles sont des miss
Personne).
Elles n'aiment pas Survivor,
« parce que de ces candidats filmés sous toutes leurs coutures,
très peu pour nous ». Eh bien oui elles aiment mieux vivre
dans la Tour d'ivoire sous verre de leur univers Décormag sur papier
glacé parfumé Chanel. Or la vraie vie, de vrais gens, imparfaits,
non-retouchés par Photoshop? Très peu pour elles, effectivement!
Précieuses ridicules, n'est-ce pas, docteur?
Elles aiment que la tour Eiffel
clignote toute l'année, et elles nous confient (avec candeur) qu'elles
se sentent « tellement fières d'être la plus belle ville
du monde ». Hélas Paris n'est pas et n'a jamais été
la plus belle ville du monde. C'est Séville; Sanaà; même
Venise à la rigueur. Puis avez-vous déjà vu une photo
de Reykjavik? La cité entière ressemble à une oeuvre
de Gauguin! Vingt kilomètres carrés de Gauguin grandeur nature!
Alors Paris vous savez, ça n'est plus après cela qu'un grosse
étuve à humidité et à smog.
Elles n'aiment pas: que les
compagnies de télémarketing puissent se refourguer leurs
coordonnées... « La revente de fichiers, ras le bol. C'est
comme ça qu'on se retrouve envahi de mailings (sic) pour les cuisines
Trucmuche ou les mégapromos du Super U voisin. » Je ne sais
pas quoi leur répondre. Welcome to the twenty-first century ma chère!
Et puis, tu n'avais qu'à ne pas acheter quelque chose par la poste
ou par téléphone... Je ne l'ai jamais fait, et je ne suis
sur aucune liste: personne m'envoie de ces « mailings », comme
tu dis!
Elles n'ont pas aimé
découvrir que « les fabricants de clopes en rajoutent, de
la nicotine, et, surtout, de l'ammoniaque, pour faire augmenter la dépendance
des fumeurs... Comme ça ils sont sûrs qu'on ne se patchera
(sic) pas de sitôt. » Alors je ne sais pas quoi leur répondre
encore. Welcome to the twenty-first century ma chère! Donc tu pensais,
vraiment, et ce jusqu'à l'an dernier, que tout le monde il était
gentil, que tout le monde, il était honnête, comme au pays
d'Oz? Pauvre petite Dorothy moderne, et attardée!
Elles aiment « la Casta
», parce qu'elle a "refusé de se refaire faire les dents"
(bon une de moins qui les fera passer pour laides, elles: youppie!). Mais
elles aiment aussi Adjani parce qu'elle joue les divas. Pas snob? Très
snob? Savent pas ce qu'elles veulent. Car elles veulent tout, comme d'habitude,
et tour à tour...
Elles aiment la vogue des
sushis. « Parce que c'est sain, manger du poisson cru... Parce que
c'est light (sic). On peut "boulimiser" sans culpabiliser. Et une bonne
claque aux soirées coca-sans-sucre-pizza-double-cheese. »
Je comprends pourquoi vous préférez aller au restaurant,
vous dépatouiller avec des frisées, alors! Vous mangiez donc
ça, avant? Pas étonnant que vous ayez des noms si cons, et
que vous soyez si hideuses physiquement.
Elles aimeraient que quelqu'un
« planche » sur un « guide papier des sites Internet
art de vivre » (?) puis nous dégote des adresses « genre
branchées »... « mais, pas trop »... « où
l'on parle plutôt français » (et vous alors, mesdames
les sabirs?)... parce que nous, à la rédac, disent-elles,
on aimerait bien arrêter de ramer. Faites donc, mes jolies! Arrêtez
tout! Stop. Fermez la revue. Démissionnez au plus vite! À
l'aide! Quelqu'un! Ôtez-les de la circulation! Quel pensum, ces textes!
Quel galimatias! (au moins nous, on emploie les mots du dictionnaire)!
Et puis ça se permet
même de faire de la philosophie à la petite semaine... «
Caprices et mystères, quoi de mieux pour entretenir le rêve?
» Le rêve? Quel rêve? Euh ah oui: celui où vous
n'avez pas de cellulite, et où vous n'approchez pas de la ménopause...
c'est bien ça? Alors, caprices et mystères sur papier glacé,
en effet!
Même la pub est aberrante,
dans ces illustrés minables. Comme la pub pleine-page pour le nouveau
parfum Mahora, de Guerlain. Pour la jeune parisienne un peu délicate
qui veut avoir l'impression d'être une princesse Aborigène:
un mannequin, manucuré, coiffé et maquillé et retouché
sur Photoshop, se tient debout devant Ayers Rock. Sont-ils allés
à Ayers Rock pour la séance de pose? Bien sûr que non:
ça n'aurait pas été rentable! Eh! Ils ont photographié
le mannequin en studio, à Paris, et ont fait un petit montage. C'est
ainsi que l'on procède, de nos jours... Un joli petit photomontage
avec un paysage australien trouvé sur Internet. D'ailleurs, tout
ça est une insulte à la fois pour les Maoris et les Aborigènes,
puisque les Maoris (le nom idiot de ce produit c'est à eux qu'il
fait référence) ne vivent absolument pas sur le continent
australien et ne vénèrent pas Ayers Rock, pas plus que moi
je vénère Charles Lafortune.
Toutes les femmes que l'on
voit en photo dans ces magazines, ont entre 20 et 30 ans, mais toutes celles
qui écrivent ont entre 35 et 55 ans. N'est-ce pas un peu pathétique,
Cyrano?
*
Le sentiment de « justice
» vengeresse des Américains, me paraît en passe de se
buter violemment contre les textes de Loi qu'ils ont eux-même l'intention
de défendre, et qu'ils sont d'ailleurs tous si prompts à
brandir. La justice quasi-primale que leurs tripes toutes pleines de McDo
ont envie de voir est diamétralement opposée à leur
Justice réelle, celle qui se pratique dans les tribunaux d'Occident
(dont ils sont le fleuron, avec Ally McBeal). Or, quelle légitimité
peuvent-ils espérer avoir si jamais ils s'abaissent à «
juger » qui que ce soit avec infiniment moins de rigueur qu'ils se
jugent, eux-mêmes, les uns les autres, dans leurs propres procès
domestiques au civil ou au criminel? L'Occident est embourbé dans
son propre petit appareil juridique depuis Nuremberg. Goering l'a dit lui-même
à la télé: « L'Allemagne a été
vaincue, par une coalition énorme; la Justice n'a rien à
voir là-dedans. » Et je me souviens que Pauwels et Bergier
ont écrit sur ce même sujet une phrase dans leur gros bouquin
qui dit à peu près: « Les procès de Nuremberg:
une civilisation vide et positiviste qui impose son système de valeurs
à une civilisation touffue et occulte parce qu'elle l'a vaincue.
» Mais, comment juger Milosevic? Comment juger, hypothétiquement,
Ben Laden? La justice que veulent les gens ne peut plus être poursuivie
à cause de la Justice qui est en place au Palais de Justice... Et
comment jugerions-nous quelqu'un si nous ne le jugeons pas avec les mêmes
méthodes que celles dont nous nous servons pour nous juger entre
nous?
Les Musulmans sont en l'an
1380, les Crétins en 2001. Oups I did it again; une erreur de frappe;
je voulais dire: les Chrétiens. Les Chrétiens sont en l'an
2001. Quand les Chrétiens sont passés par le stade «
fanatique intégriste » (en 1200, 1300 et 1400 de notre ère)
et qu'ils ont assassiné de paisibles petites communautés,
comme les Cathares, ou brûlé sur le bûcher des femmes
dont le seul vrai crime était de savoir lire, ou organisé
leurs « Croisades » qui ne furent en vérité que
des expéditions de pillage sur Constantinople, Edesse ou Saint Jean
d'Acre, à cette époque il n'existait pas sur terre de puissance
mille fois plus avancée technologiquement pour venir avec
des Stealth Bombers leur balancer des missiles et des obus en plein visage.
La seule différence entre les Musulmans et les Chrétiens
se situe dans ce petit détail: les Chrétiens n'ont pas eu
d'Américains en 1380 pour leur casser la figure, puis les empêcher
de vivre leur fanatisme en toute quiétude, et de brûler sur
la place publique une jeune femme par semaine. (Quelle chance ils ont eu!
L'Islam n'a pas cette chance, lui.) Et pourtant c'est le MÊME INTÉGRISME...
la MÊME INTOLÉRANCE... et tout ça À LA MÊME
DATE d'un calendrier religieux, d'une Histoire religieuse. Les Talibans,
c'est nous. C'est nous, il y a six cents ans. Il n'y a pas si longtemps,
nous étions comme ça; mais la mémoire (quand ça
nous arrange) est courte. L'Islam au fond n'est que la plus jeune de toutes
les grandes religions, mais comme elle a une adolescence difficile! Aïe!
Essayez d'imaginer un peu ce que nos lointains ancêtres, ces bons
et vertueux Croisés de 1270 ou même d'avant, auraient pu faire
s'ils avaient été attaqués, mettons par l'Entreprise,
monsieur Spock, et le capitaine Kirk? Et ne dites pas que je prends pour
les Talibans, Gary, avocat du diable! moi je ne fais que remettre les choses
en perspective.
*
Message à tous les
jeunes, de douze à vingt-deux ans: secouer le pistolet tandis qu'on
tire, le secouer comme un vieux tuyau d'où on tente de faire sortir
une motte de terre coincée, comme pour que la balle aille plus loin,
ou que le gars sur qui vous faites feu meure plus, ça ne fait qu'une
chose: avoir l'air d'un épais. Je n'ai rien contre le jeune imbécile
illettré et insécure (de dix-sept ans) qui un jour me flinguera
à la sortie d'une station de métro parce qu'il n'a pas passé
une bonne journée... mais j'EXIGE qu'il ne me tue pas en secouant
spasmodiquement son gun vers l'avant. Hey ho! dude! Les balles ne sortiront
pas plus vite et ça ne me fera pas plus mal! Je ne crèverai
pas plus rapidement. Fais juste tenir le gun là dans ta main, bien
droit. Vise puis appuie sur la gâchette, for God's sake! La vélocité
du projectile, ça n'est pas ton affaire: la poudre s'en chargera
toute seule comme une grande. Bande de demeurés... Ne nous demandons
pas pourquoi le monde va si mal. Personne sait tirer.
*
Nouveau « Reality Show
» que je propose. Des concurrents vont de pays en pays et tentent
d'assassiner les participants de différents Reality Shows américains.
Ainsi, un concurrent de The Mole vaut dix points. Un concurrent
de Survivor vaut vingt points. Un duo sur The Amazing Race,
vaut trente points. Un connard de Spy TV vaut un demi point. Et
n'importe qui issu de Murder in Small Town X vaut: quinze points
(même un caméraman, oui!). Exemple: « Notre concurrent,
Gary Del Monte, a dégommé le couple Drew & Kevin (dans
The
Amazing Race) à Paris, devant Notre-Dame bien entendu, jet-set
oblige, tandis que notre autre concurrent, Manulypuff, a fait des cartons
avec Jessica (de Temptation Island) et Bob (de Love Chains).
Score: 30-15. »
Ça serait un «
hit » instantané. Tout le monde l'écouterait.
*
Phrase qu'a eue un commentateur
sportif: « Les Formule 1 roulent enfin sur le circuit le plus connu
du monde. » Indianapolis? Où que c'est, ça? En Indiana
(je prends le pari mais je n'en suis pas sûr) probablement. Le plus
connu? Haem! Le plus connu du Monde Américain sans doute. Mais pas
du monde « monde ». Vous délirez, l'ami!
Phrase qu'a eue Jean Charest:
« Le député Machin avait promis de garder GM ouvert
et on voit qu'il n'a pas tenu parole: il n'est pas fiable! » Eh ben,
qu'est-ce que tu aurais voulu qu'il fasse? Si une grande entreprise décide
de partir, laissez-la en paix pour l'amour de Dieu et de saint Pamphyle.
Laissez-la partir, oui, et donnez aux employés mis à pied
les 8 millions que vous auriez donnés à GM sous forme de
« Corporate Welfare ». Ça revient au même, ou
presque. Et, d'ailleurs, au fond, le simple fait, pour un politicien, quel
qu'il soit, de « promettre » de garder ouverte une usine appartenant
à un si gigantesque conglomérat, c'est de la roulette russe,
Gary! C'est comme si les chenilles clamaient: « l'éléphant
ne sortira pas de la boue avant après-demain »... Mais au
fond, qu'est-ce qu'elles sont, les chenilles, pour l'éléphant?
Il s'en fout... Il ne sait même pas qu'elles existent. Et il sortira
de la boue quand bon lui semblera. Tout ce que les chenilles peuvent faire
c'est de spéculer là-dessus comme des connes... mais elles
ne pourraient pas faire en sorte que l'éléphant reste dans
la boue une seconde de plus, ou bien qu'il en sorte une seconde plus tôt.
Jean Charest, c'est un étron!
Tout est « poche »,
de nos jours, docteur. Tout est une question de modes stupides, qui ne
durent pas. En littérature, Harry Potter: une copie carbone des
livres de H.P. Lovecraft. En cinéma: rien, ça change trop
rapidement, un blockbuster par weekend. En musique, les NSYNC-New-Kids-on-the-Block-Backstreet-Boys
toujours le même groupe mais sous un nom différent et avec
des teintures différentes, ou la fille-générée-par-Photoshop
(Natasha St-Pier). En télévision toutes ces conneries de
Reality Shows à la con, ou alors La Vie la vie, un programme
que Junior a affectueusement rebaptisée Les Lieux Communs les
lieux communs, ha! ha! Bien envoyé, p'tit!
Bon allez. J'fous l'camp.
Salut, Gary. Joyeuses Fêtes!
David
Pêle-Mêle
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