C'est
toujours la même rengaine qui recommence quand vient le temps de
ce confectionner une tartine à double garniture. Pour une
tartine "d'ara-miel", par exemple, le beurre d'arachides resté sur
le couteau après son application sur la toast vient, nécessairement,
entacher votre jarre à miel. La solution facile serait d'utiliser
un deuxième couteau pour répandre votre seconde garniture.
Cependant, si vous êtes un vrai, comme moi, le mot facilité
n'existe pas dans votre dictionnaire! Préférant bûcher
pour être parmi les meilleurs, vous ne voulez pas utiliser deux couteaux
pour une tâche aussi banale! Si vous vous reconnaissez dans
mes propos, alors lisez ceci:
Si vous utilisez
des pains à l'européenne le problème ne se pose pas
puisqu'ils sont ronds et dodus: vous pourrez aisément enfoncer le
couteau souillé dans le corps sans défense du malheureux
pain, ce qui aura pour effet de purger l'excédent de beurre d'arachides
sur la lame. Heureux les Européens! Mais nous, misérables
Nord-Américains, nous sommes pris pour utiliser le plus souvent
des pains de très piètre qualité et de maigre épaisseur,
donc, soit vous faites comme si c'était un pain plus gros mais avec
beaucoup de précision dans le geste, soit vous utilisez deux couteaux
différents, ce qui me répugne. La question du miel a souvent
été discutée par maints experts. Les tout derniers
développements en la matière suggèrent de vous verser
une petite flaque de miel directement dans votre assiette à toast
avant de commencer votre tartinante tâche: si cette flaque de miel
en vient à être teintée de beurre d'arachides, qu'à
cela ne tienne, puisque le reste de la jarre est sain et sauf! Pour ceux
qui se sentent encore plus hardis et aventureux (surtout les lundi matins),
vous pouvez faire le grand saut et ajouter à votre déjà
complexe tartine ce que les orang-outangs nomment de bien bonnes petites
rondelles de banane. Attention! ne les coupez pas encore avec la même
lame de couteau souillée: utilisez le manche. Il est vrai que les
couteaux que j'utilise sont de très vieux couteaux rajasthanais
d'acier trempé replié sept cent quatre-vingt-quatre fois
et que les manches sont presque aussi effilés que la lame, mais
bon, vous pouvez les trouver chez le vieux Abib dans le Souk d'Odessa.
Je suis conscient
que cette alchimie du déjeuner peut sembler fastidieuse à
certains néophytes, mais, prenez-en ma parole, après quelques
mois de pratique, vous constaterez déjà une nette amélioration
dans vos manoeuvres. Bientôt si vous êtes sages et que vous
vous pratiquez une fois par jour, qui sait? peut-être dépasserez-vous
le Maître. Bon déjeuner!
Rastaquouère
MacO'mmune
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