ÉROTOCRATIE
L'INFORTUNE DE L'ARCHIDUCHESSE
par Gary Del Monte
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A quatorze heures, près des boutiques du boulevard L., les passants aperçurent l'archiduchesse *** de Belletête qui se rendait précipitament chez mon ami le chevalier de Mignolet. Cette circonstance était extrêmement difficile à concevoir si l'on considère qu'ils ne s'étaient jamais adressé la parole. 

*** était incroyablement sexy, portant une robe du soir rouge pâle qui dévoilait ses courbes parfaites, et dont l'étoffe était si transparante qu'elle laissait apparaître le bout de ses seins, lesquels étaient légèrement pointus. Mignolet, en tenue orientale, l'accueillit avec ces paroles, après l'avoir installée convenablement dans son somptueux salon aux divans de Baghdad: 

- Archiduchesse, vous n'avez pas répondu à mes lettres, dans lesquelles je vous expliquais les origines de mon nom. Il est faux de dire, comme l'a affirmé le marquis d'Eautrouble, qu'un de mes ancêtres fut pendu sous Chérubin premier. 

- Une urgence capitale me force ici à vous interrompre, dit sèchement l'archiduchesse. 

- Qu’y a-t-il ? En quoi puis-je vous être utile ? 

- Ah! Vous savez... je ne peux tout vous dire, une parole que l'on transforme en rumeur a souvent perdu un individu, qu'il appartînt à la plèbe ou à la noblesse. 

- Mais madame, sachez bien que jamais je n'oserai profaner un de vos secrets. Quand bien même on me torturerait, mon honneur m'interdirait une telle fourberie. 

- Je vois que vous êtes un gentilhomme, cher chevalier de Mignolet. Ah! Si vous eûtes été moins laid, peut-être m'auriez-vous conquise. 

- Je ne crois pas, car mon coeur est de pierre, dit Mignolet. Si vous ne m'avouez pas votre secret, je crois que je me verrai dans l'impossibilité de ne point vous chasser de ma demeure, malgré votre rang et le scandale que cela pourrait poser. 

- Soit, mon chevalier, je dois vous avouer l'origine de mon mal. J'ai une ferveur tout à fait naturelle pour le beau Valentin de Bellehumeur. Ses boucles blondes me paraissent tout à fait charmantes, il me semble être un enfant sauvage et passionné, qu'on a élevé sur les rivages d'une île perdue du Pacifique. Ah! Je voudrais le serrer dans mes bras ! 

- Voyons, archiduchesse, modérez vos transports ! 

- Laissez-moi finir, je vous en supplie ! 

- Soit, je vous laisserai me parler, mais à une condition: vous viendrez ce soir chez madame Oscar. 

- Il n'en est pas question, jamais je n'oserai une telle infamie! 

- Ce sera un bal masqué: vous serez déguisée. Et vous y découvrirez peut-être le fils du duc de Bellehumeur. 

- J'y consens. Mais qu'espérez-vous obtenir de tout cela ? 

- Un peu de sympathie... ce soir seulement ! 

- Vous êtes ignoble, mon cher Mignolet. J'accepte. 

Sur ces paroles héroïques, l'archiduchesse s'enfuit de chez Fabio de Mignolet qui vint immédiatement nous rejoindre pour nous raconter son aventure. J'étais occupé à peindre Bellehumeur, mais il ne tenait plus en place, en entendant parler de l'amour que l'archiduchesse éprouvait pour lui. Nous nous mîmes à préparer nos costumes pour le bal masqué de Madame Oscar. 

Valentin n'avait rien dit depuis l'arrivée de Mignolet. Tout à coup, il se mit à manger et à l'apostropher la bouche pleine: 

- Comment, histrion, tu oses courtiser ma dulcinée, celle qui doit m'être élue ! 

- Mon cher Bellehumeur, je m'étonne de te voir si possessif. 

- C'est faux, seulement je n'aime pas que l'on vise plus haut que son rang, comme tu le fais en laissant ll'archiduchesse s'acoquiner avec toi. Et puis, tu te sers de moyens disgracieux ! 

- Tu as la rage aux dents, mon pauvre Bellehumeur. Si l'archiduchesse est assez perverse pour se rendre chez madame Oscar et ne pas causer un scandale, je mérite bien moi aussi de participer à cette infamie. 

- Jusqu'à maintenant, j'ai plus ou moins cru que le monde était ignoble. Maintenant, j'en suis convaincu. 

- Bravo ! m'exclamai-je soudain. 

- Mignolet, il est temps que tu fasses préparer ton costume, à moins que tu ne veuilles te montrer là-bas dans ce triste accoutrement. 

- Mon costume est déjà prêt, je suis déguisé ce soir en ours. 

- C'est parfait, tu seras une dangereuse bête, et nous des chasseurs aguerris. 

- Je serai peut-être une bête apprivoisée, qui accomplira des prouesses hautement libidinales. 

- C'est ce que nous verrons, dis-je. 

* * *

Pendant ce temps, la comtesse de Chérilus se rendit chez la princesse de Louisiane, qui logeait dans un grand palais. La fille du suzerain rêvassait dans son jardin, écoutant jouer un orchestre composé d'un luth, d'une harpe et d'une baqueboutte. Isabelle de Chérilus fit un profond salut, et s'adressa à la princesse de la manière suivante: 

- Je tremble à l'idée de vous annoncer l'infamie dont je suis victime. 

- Mais qu'avez-vous, chère comtesse ? 

- Je serai cette nuit forcée de m'unir à l'horrible d'Eautrouble, preux marquis il est vrai, mais n'en demeurant pas moins une affreuse tête de bovin. 

- Vous n'avez pas tort: d'Eautrouble ne devrait pas aspirer à la noblesse, qui exige un minimum de charisme. 

- Mais qu'allez-vous faire pour m'aider ? demanda la comtesse. 

- Je suis prête à tout, répondit la princesse. 

- Princesse, pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi ? Nous serions déguisées, et enveloppées d'un profond mystère. Vous pourriez intervenir en ma faveur si quelque chose tournait mal. 

- Ce n'est pas une mauvaise idée. Mais maintenant permettez-moi, Isabelle, de vous montrer une chose fort curieuse. 

La princesse prit Isabelle de Chérilus par le bras, et la mena dans le palais. Après avoir traversé un dédale de couloirs, elles parvinrent à une porte verrouillée. La princesse sortit une clef de son corsage, et l'ouvrit. A l'intérieur de la pièce, il n'y avait rien sauf un aquarium luxueux contenant une espèce de pieuvre, un énorme spécimen de l'ordre des céphalopodes, noir comme de l'onyx. C'était un octopode, retenu en captivité pour satisfaire les nobles penchants de la cour. 

- Regardez les bras du mollusque, dit la princesse. Ils n'ont pas de ventouses, et se raidissent de la même manière que le ferait, avouons-le, un phallus. 

- Je vois ce que vous avez en tête, dit Isabelle de Chérilus. 

La princesse demanda aux esclaves de la déshabiller. Une fois nue, elle s'introduisit dans l'aquarium. L'octopode l'entoura alors de ses tentacules; deux d’entre elles lui lièrent les mains, deux autres les bras, deux autres lui entourèrent la taille. Le septième bras se promenait à l'intérieur de ses cuisses. Il se raidit, et pénétra dans la grotte mystérieuse de la princesse. Le huitième bras s'introduit par l'autre orifice, et le cri de la princesse retentit dans tout le palais. 

Puis ce fut au tour d'Isabelle de Chérilus. 
 
 

Gary Del Monte 
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