Mignolet,
Bellehumeur et moi partîmes chez madame de Nazir Khan. Son mari,
le marquis de Nazir Khan, était de haute naissance, issu de la branche
aînée d'une antique famille de sultans turcs. Nous le vîmes
ce soir-là exhibant les armoiries de sa famille, sans doute dans
le but de redorer le blason de sa prestigeuse dynastie.
Valentin, fidèle
à son habitude, abêtissait les demoiselles de Nazir Khan.
Il leur chuchotait à voix basse des choses qui sans doute les rendaient
moins ignorantes dans la science de l'érotisme. L'archiduchesse
de Belletête n'était pas encore arrivée. Mignolet entreprit
la conversation avec madame de Nazir Khan, et celle-ci, bizarrement, parut
s'intéresser aux propos insensés de notre ami. Cette courtisanerie
devait cependant avoir une fin, même si monsieur de Nazir Khan avait
abdiqué ses droits d'époux depuis fort longtemps. On ne connaissait
pas à madame de Nazir Khan d'aventure extra-maritales, c'est pourquoi
Mignolet abandonna son schème impossible, et se mit à boire
de l'armagnac avec le baron de Trinque.
Alors que je discutais
de politique avec le vicomte de Pittiglio, je vis Bellehumeur s'estomper
dans le jardin avec la marquise de Nazir Khan. Personne ne fit grand cas
de leur absence simultanée, mais je résolus d'apprendre ce
qui se tramait.
Je me dirigeai à
mon tour dans le jardin. Mes narines respirèrent tout d'abord les
odeurs dégagées par les tulipes, les lilas et les chrysanthèmes.
Ensuite, je sentis un puissant parfum de sexe qui provenait d'un petit
bosquet près de la fontaine.
C'est en cet endroit
que se tenaient les deux personnes qui auraient été coupables
d'adultère, à l'époque révolue des dignitaires
dévôts et malintentionnés. Pour l'instant, ils ne faisaient
que se donner un baiser, passionné il faut l'admettre, mais chaste
pour l'instant. De toute façon, il est vrai que c'était chose
courante de voir la noblesse se prodiguer ainsi de l'affection.
Pourtant, lorsque
je vis les mains de Valentin descendre sur les seins (petits, mais d'une
forme parfaite) de la divine Marie de Nazir Khan, et les presser ardemment
sans que celle-ci ne le repousse, ce à quoi je m'attendais mais
qui n'arriva pas, je fus dans l'obligation d'accepter que j'étais
le témoin d'une aventure galante entre ces deux personnes.
Je m'installai sournoisement
derrière un châtaignier, pour pouvoir les épier à
ma guise. J'étais si près d'eux que je pus distinguer un
grain de beauté sur l'épaule de la marquise dont Valentin,
sans le savoir, me dévoila le charme. J'aurais aimé avoir
mes pinceaux pour qu'ils me servent de modèles, mais je résolus
de remettre cela à plus tard.
Madame de Nazir Khan
se laissa tout d'abord déshabiller, sans arrêter de frictionner
le corps de Valentin dont les sens étaient sur le point d'entrer
en éruption. Mes yeux furent frappés par la vision de la
marquise, que je voyais nue pour la première fois. Ses cuisses et
ses seins étaient blancs, alors que le reste de sa peau était
légèrement cuivré. Sa taille était fine, et
les proportions de ses jambes, de tout son corps étaient sans défauts.
Elle garda pour seul vêtement un collier de perle et de grosses boucles
d'oreilles en émeraude. La révélation divine des charmes
de la marquise de Nazir Khan me causa une vive érection.
Marie s'agenouilla
entre les jambes de Valentin et se mit à lui sucer rapidement le
phallus, tout en faisant aller ses mains expertes sur le ventre de ce soldat.
Je quittai des yeux cette scène pourtant fascinante, afin de calmer
mon esprit échauffé. Quelques minutes plus tard, je risquai
à nouveau un coup d'oeil. Cette fois-ci, je vis que Valentin était
maintenant au-dessus de Marie, et la besognait immodérément.
Elle avait enroulé ses bras et ses jambes autour de lui, et elle
émettait de petits miaulements de plaisir.
- Que fait Maman
? entendis-je prononcer une voix d'enfant derrière-moi. Je me retournai,
et vit que la petite Sophie de Nazir Khan était elle aussi témoin
des ébats de sa mère.
( PASSAGE CENSURÉ)
Je défroissai
mon pantalon de velours, et revins me mêler à la société
qui discutait sur la terrasse. J'étais encore un peu essoufflé,
et je devais sentir le sperme. Le marquis de Nazir Khan me jeta un coup
d'oeil haineux, croyant à tort que c'était avec moi que sa
femme avait disparu pendant une bonne partie de l'après-midi. Il
n'osa rien faire cependant, car les lois en vigueur contre la jalousie
étaient très sévères.
Peu après,
lorsque je revis Marie de Nazir Khan, je fus pris d'une folle envie de
la posséder. J'aurais aimé qu'elle m'accorde ce qu'elle avait
accordé à mon ami de Bellehumeur. J'étais persuadé
que ses yeux languissants avaient rencontrés les miens pendant qu'elle
jouissait, mais aucune allusion de la part de la marquise ne me permit
de croire à ce que je pensais. Madame de Nazir Khan passa quelque
temps avec son mari et Théodore de Chênevert. Celui-ci était
vraiment un sot, car il croyait s'attirer les bonnes grâces de Marie
en se liant d'amitié avec son époux. Il ne faisait que les
ennuyer tous deux, montrant de l'esprit certes, mais ce n'était
pas le moment car les deux avaient vraisemblablement d'autres choses en
tête. Lorsqu'enfin Marie réussit à quitter son mari
et l'importun Théodore, dans le but probable d'aller rejoindre Valentin
qui conversait avec le vicomte de Pittiglio, je fis un pas vers elle.
- Madame, j'ai à
vous parler, lui dis-je sans que personne n'entende.
- En privé
?
- Ce n'est pas nécessaire,
il suffit seulement que nous nous écartions un peu des oreilles
indiscrètes.
Elle me mena à
l'écart, et j'en profitai pour lui faire une déclaration:
- Vous m'avez ravi
il y a un instant près de la fontaine. Je souhaite que vous me fassiez,
à moi, ce que vous fîtes à Bellehumeur.
- Vous fûtes
donc témoin de cette scène privée ?
- Je l'avoue, mais
ce fut par hasard. Ne craignez point que je divulgue votre secret. Dîtes-moi
plutôt quelle est votre réponse.
- J'aurai trente-trois
ans bientôt, comment se fait-il que l'on me désire encore
si ardemment ? J'ai un mari à satisfaire. Pourquoi ne courtise-t-on
pas mes filles?
- Mais on les courtise,
madame, elles ne manquent pas de prétendants. Marquise, il n'est
pas permis que nous discutions de vos attraits. Vous êtes belle,
et c'est tout.
- Vous croyez ?
- J'en suis persuadé.
Maintenant, m'accorderez-vous un rendez-vous ?
- Qui sait ? Mais
il ne faut pas exciter la curiosité de mon mari.
Je voulus lui baiser
la main, mais elle se déroba et retourna promptement à la
société qu'elle avait fait attendre assez longtemps. Je retournai
vers Bellehumeur, qui était en discussion avec Mignolet.
- Je te dis que l'archiduchesse
est venue puis est repartie, disait Mignolet.
- Tu mens, animal.
- Je te jure que
si. Je l'ai aperçue dans le jardin, alors que je visitais les cabinets
d'aisance.
- Si ce que tu dis
est vrai, elle m'a sans doute vu avec la marquise, et notre amour est sans
espoir. La jalousie ne pardonne pas.
- Que blasphème-tu
là, dis-je à Bellehumeur. Elle ne t'a sûrement pas
vu car tu étais à l'autre bout du jardin, près
de la fontaine.
- Merci de me consoler,
Gustave, mais l'archiduchesse est rusée, et elle a peut-être
flairé quelque chose. D'ailleurs pourquoi ne s'est-elle pas mêlée
à la société ?
- C'est ce que nous
devrons savoir, dit Mignolet.
Gary
Del Monte
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