ÉROTOCRATIE
LE SALON DES NAZIR KHAN
par Gary Del Monte
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Mignolet, Bellehumeur et moi partîmes chez madame de Nazir Khan. Son mari, le marquis de Nazir Khan, était de haute naissance, issu de la branche aînée d'une antique famille de sultans turcs. Nous le vîmes ce soir-là exhibant les armoiries de sa famille, sans doute dans le but de redorer le blason de sa prestigeuse dynastie. 

Valentin, fidèle à son habitude, abêtissait les demoiselles de Nazir Khan. Il leur chuchotait à voix basse des choses qui sans doute les rendaient moins ignorantes dans la science de l'érotisme. L'archiduchesse de Belletête n'était pas encore arrivée. Mignolet entreprit la conversation avec madame de Nazir Khan, et celle-ci, bizarrement, parut s'intéresser aux propos insensés de notre ami. Cette courtisanerie devait cependant avoir une fin, même si monsieur de Nazir Khan avait abdiqué ses droits d'époux depuis fort longtemps. On ne connaissait pas à madame de Nazir Khan d'aventure extra-maritales, c'est pourquoi Mignolet abandonna son schème impossible, et se mit à boire de l'armagnac avec le baron de Trinque. 

Alors que je discutais de politique avec le vicomte de Pittiglio, je vis Bellehumeur s'estomper dans le jardin avec la marquise de Nazir Khan. Personne ne fit grand cas de leur absence simultanée, mais je résolus d'apprendre ce qui se tramait. 

Je me dirigeai à mon tour dans le jardin. Mes narines respirèrent tout d'abord les odeurs dégagées par les tulipes, les lilas et les chrysanthèmes. Ensuite, je sentis un puissant parfum de sexe qui provenait d'un petit bosquet près de la fontaine. 

C'est en cet endroit que se tenaient les deux personnes qui auraient été coupables d'adultère, à l'époque révolue des dignitaires dévôts et malintentionnés. Pour l'instant, ils ne faisaient que se donner un baiser, passionné il faut l'admettre, mais chaste pour l'instant. De toute façon, il est vrai que c'était chose courante de voir la noblesse se prodiguer ainsi de l'affection. 

Pourtant, lorsque je vis les mains de Valentin descendre sur les seins (petits, mais d'une forme parfaite) de la divine Marie de Nazir Khan, et les presser ardemment sans que celle-ci ne le repousse, ce à quoi je m'attendais mais qui n'arriva pas, je fus dans l'obligation d'accepter que j'étais le témoin d'une aventure galante entre ces deux personnes. 

Je m'installai sournoisement derrière un châtaignier, pour pouvoir les épier à ma guise. J'étais si près d'eux que je pus distinguer un grain de beauté sur l'épaule de la marquise dont Valentin, sans le savoir, me dévoila le charme. J'aurais aimé avoir mes pinceaux pour qu'ils me servent de modèles, mais je résolus de remettre cela à plus tard. 

Madame de Nazir Khan se laissa tout d'abord déshabiller, sans arrêter de frictionner le corps de Valentin dont les sens étaient sur le point d'entrer en éruption. Mes yeux furent frappés par la vision de la marquise, que je voyais nue pour la première fois. Ses cuisses et ses seins étaient blancs, alors que le reste de sa peau était légèrement cuivré. Sa taille était fine, et les proportions de ses jambes, de tout son corps étaient sans défauts. Elle garda pour seul vêtement un collier de perle et de grosses boucles d'oreilles en émeraude. La révélation divine des charmes de la marquise de Nazir Khan me causa une vive érection. 

Marie s'agenouilla entre les jambes de Valentin et se mit à lui sucer rapidement le phallus, tout en faisant aller ses mains expertes sur le ventre de ce soldat. Je quittai des yeux cette scène pourtant fascinante, afin de calmer mon esprit échauffé. Quelques minutes plus tard, je risquai à nouveau un coup d'oeil. Cette fois-ci, je vis que Valentin était maintenant au-dessus de Marie, et la besognait immodérément. Elle avait enroulé ses bras et ses jambes autour de lui, et elle émettait de petits miaulements de plaisir. 

- Que fait Maman ? entendis-je prononcer une voix d'enfant derrière-moi. Je me retournai, et vit que la petite Sophie de Nazir Khan était elle aussi témoin des ébats de sa mère.

( PASSAGE CENSURÉ)

Je défroissai mon pantalon de velours, et revins me mêler à la société qui discutait sur la terrasse. J'étais encore un peu essoufflé, et je devais sentir le sperme. Le marquis de Nazir Khan me jeta un coup d'oeil haineux, croyant à tort que c'était avec moi que sa femme avait disparu pendant une bonne partie de l'après-midi. Il n'osa rien faire cependant, car les lois en vigueur contre la jalousie étaient très sévères. 

Peu après, lorsque je revis Marie de Nazir Khan, je fus pris d'une folle envie de la posséder. J'aurais aimé qu'elle m'accorde ce qu'elle avait accordé à mon ami de Bellehumeur. J'étais persuadé que ses yeux languissants avaient rencontrés les miens pendant qu'elle jouissait, mais aucune allusion de la part de la marquise ne me permit de croire à ce que je pensais. Madame de Nazir Khan passa quelque temps avec son mari et Théodore de Chênevert. Celui-ci était vraiment un sot, car il croyait s'attirer les bonnes grâces de Marie en se liant d'amitié avec son époux. Il ne faisait que les ennuyer tous deux, montrant de l'esprit certes, mais ce n'était pas le moment car les deux avaient vraisemblablement d'autres choses en tête. Lorsqu'enfin Marie réussit à quitter son mari et l'importun Théodore, dans le but probable d'aller rejoindre Valentin qui conversait avec le vicomte de Pittiglio, je fis un pas vers elle. 

- Madame, j'ai à vous parler, lui dis-je sans que personne n'entende. 

- En privé ? 

- Ce n'est pas nécessaire, il suffit seulement que nous nous écartions un peu des oreilles indiscrètes. 

Elle me mena à l'écart, et j'en profitai pour lui faire une déclaration: 

- Vous m'avez ravi il y a un instant près de la fontaine. Je souhaite que vous me fassiez, à moi, ce que vous fîtes à Bellehumeur. 

- Vous fûtes donc témoin de cette scène privée ? 

- Je l'avoue, mais ce fut par hasard. Ne craignez point que je divulgue votre secret. Dîtes-moi plutôt quelle est votre réponse. 

- J'aurai trente-trois ans bientôt, comment se fait-il que l'on me désire encore si ardemment ? J'ai un mari à satisfaire. Pourquoi ne courtise-t-on pas mes filles? 

- Mais on les courtise, madame, elles ne manquent pas de prétendants. Marquise, il n'est pas permis que nous discutions de vos attraits. Vous êtes belle, et c'est tout. 

- Vous croyez ? 

- J'en suis persuadé. Maintenant, m'accorderez-vous un rendez-vous ? 

- Qui sait ? Mais il ne faut pas exciter la curiosité de mon mari. 

Je voulus lui baiser la main, mais elle se déroba et retourna promptement à la société qu'elle avait fait attendre assez longtemps. Je retournai vers Bellehumeur, qui était en discussion avec Mignolet. 

- Je te dis que l'archiduchesse est venue puis est repartie, disait Mignolet. 

- Tu mens, animal. 

- Je te jure que si. Je l'ai aperçue dans le jardin, alors que je visitais les cabinets d'aisance. 

- Si ce que tu dis est vrai, elle m'a sans doute vu avec la marquise, et notre amour est sans espoir. La jalousie ne pardonne pas. 

- Que blasphème-tu là, dis-je à Bellehumeur. Elle ne t'a sûrement pas vu car tu étais à l'autre bout du jardin, près 
de la fontaine. 

- Merci de me consoler, Gustave, mais l'archiduchesse est rusée, et elle a peut-être flairé quelque chose. D'ailleurs pourquoi ne s'est-elle pas mêlée à la société ? 

- C'est ce que nous devrons savoir, dit Mignolet. 
 
 

Gary Del Monte 
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