L’histoire
de Fallingwater a commencé lorsque Edgar Jr., un jeune homme de
24 ans, voulut se joindre à la compagnie de Taliesin, un groupe
de jeunes architectes dirigé par Frank Lloyd Wright. Celui-ci n'y
vit aucun inconvénient. Un jour, les parents d’Edgar Jr. vinrent
visiter leur fils à la résidence de Wright. Ils furent émerveillé
par l’extraordinaire beauté de la maison de Wright. Puis, peu de
temps après, les Kaufmann et les Wright devinrent amis. Par hasard,
les Kaufmann étaient justement à la recherche d’un bon architecte,
ils avaient l’intention de faire construire un chalet sur leur terrain
situé dans la réserve de Bear Run. Le terrain en question
était traversé par une ruisseau possédant une chute
d’eau. Quand Frank Lloyd Wright vint inspecter les lieux pour la première
fois, il se dirigea vers le mur d’eau. Il resta fasciné par le torrent
et il vit dans ce chef-d’oeuvre de la nature une grande opportunité
pour l’architecture.
En automne 1935,
après avoir reçu une carte des lieux lui indiquant les dénivellations
des chutes et l’emplacement des arbres, Wright débuta les premières
esquisses relatives au concept de Fallingwater. Un mois plus tard, les
plans d’exécution de la maison étaient finis. Il restait
seulement une section à dessiner: elle allait servir de garage,
de suite pour les invités et de dortoir pour les domestiques (la
construction de cette section fut terminée en 1939). M.Kaufmann
fut ravi de voir que l’extraordinaire force du concept de Wright se concrétisait.
Sans aucune hésitation, il décida de passer à la construction,
excité par le defi que reflétait Fallingwater surtout en
ce qui concernait les difficultés de construction suggérées
par les plans. Mme.Kaufmann de son côté voyait dans Fallingwater
une façon élégante et harmonieuse de vivre au-dessus
d’un endroit inusité, en l’occurence une chute d’eau.
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Il en coûta
145 000 dollars pour construire cette maison. À l’époque
c’était une somme considérable, et, en plus, il faut comprendre
que ce montant ne tient pas compte de toutes les petites corrections que
Fallingwater a subi dans les années qui ont suivi sa construction.
Pourquoi ont-il eu besoin de faire des modifications? Cela s’explique par
le fait que Fallingwater est unique, il ne faut surtout pas blâmer
Wright pour quelques petites fissures sur les terrasses ou des petits problèmes
d’infiltrations d’eau dans les niveaux inférieurs: il ne pouvait
pas connaître avec certitude tous les caprices qu’occasionerait cette
chute. Il fallut beaucoup de petits ajustements pour que Fallingwater soit
tout à fait au point, mais grâce au génie de Wright,
on peut, plus d'un demi-siècle plus tard, admirer la fabuleuse maison
qui l’a rendu plus-que-célèbre. Une maison qui, sans l’ombre
d’un doute, ne laisse personne indiférent, tant elle s’intègre
harmonieusement au terrain qui la supporte.
L’idéologie
japonaise a beaucoup influencé Wright durant toute sa carrière.
On peut se rendre compte à quel point les principes de respect et
d’harmonie entre l’être humain et la nature, que démontrent
les Japonais, sont présents dans ses oeuvres naturalistes; Falligwater
en est un bon exemple. Wright était un amateur de la culture japonaise,
et il possédait un tableau d’un peintre Japonais représentant
une cabane à proximité d’une haute chute d’eau. Ce tableau
de Hokusai, Ono Falls, a sûrement donné un élan d’idées
à Wright au moment où il reçut la commande de dessiner
une maison sur un terrain ayant une chute d’eau. Peut-être aussi
s’est-il inspiré d’un projet de Claude-Nicolas Ledoux, une maison
traversée par la rivière Loue? Mais avant tout, Wright est
un innovateur, et pour mieux saisir ceci il faut tout simplement ouvrir
les yeux et admirer le singulier concept que constitue Fallingwater...
Pour comprendre Fallingwater,
il faut explorer sa structure singulière et les raisons que Wright
avait de la concevoir ainsi. La maison peut sembler être faite
de piliers de pierres massives qui ancrent des projections en béton
armé. Mais cette approche simple est trompeuse. Wright a établi
un noyau, qui consiste en un enceinte solide aux murs de pierres, qui contient
une cuisine et une chambre à l’étage. Cette enceinte intègre
aussi les cheminées, la tuyautrie et les installations électriques
desservant les autres étages. Les autres murs de pierres sont cependant
divisés en segments discontinus, les dalles de béton traversant
de façon intacte la maçonnerie. Comme ces dalles se prolongent
vers l’extérieur, en plusieurs endroits, la traction d’un côté
annule la traction de l’autre. De plus, la maison est très massive
à l’arrière, et le poids accumulé contrebalance la
grande projection au-dessus des chutes. On pourrait donc comparer Fallingwater
à une toile irrégulière composée de forces
équilibrées habilement de façon à donner l’impression
que les niveaux horizontaux flottent dans les airs.
Ainsi, Fallingwater
utilise et combine trois sortes de «cantilevers». Premièrement
une extension à partir d’un ancrage (comme la crémaillière
qui suspend la marmite dans le foyer du salon), deuxièment, un contrebalancement
(comme une balance simple), et, troisièment, une extension chargée
qui permet un ancrage limité (comme un homme accroupi ayant la plante
des pieds et les orteils touchant le sol, projetant ses genoux).
Un autre aspect caché
de Fallingwater réside dans le fait que chaque niveau possède
son propre système de support. Le niveau principal est soutenu par
quatre petits murs discrets s’élevant sur le bord du nid du ruisseau,
la dalle se prolongeant bien au-delà de ces murs. Le niveau suivant
est supporté par un carré central de poutres de béton
armé dont l’extrémité repose sur des masses de pierres.
Sur ce carré est fixé la deuxième dalle (ou plateau)
en porte à faux. Le dernier niveau est étroit, il suit la
partie arrière de la maison, et repose sur l’ensemble de la construction.
En ce qui concerne
la décoration extérieure de Fallingwater, on pourrait dire
qu’elle y est pratiquement absente. Wright, dans ses constructions, avait
une philosophie: il voulait et essayait autant que possible de ne pas cacher
la structure. Pour lui, la structure en elle-même constituait une
ornementation. On peut facilement se rendre compte de ceci en regardant
Fallingwater; le jeu de lignes horizontales disposées avec goût
et finesse rend tout à fait superflu la décoration.
À l’intérieur
de ce chalet de rêve, se retrouve un mobilier simple (sans trop d’excès
d’ornementation) et généralement fait de bois. Celui-ci s’adapte
à merveille avec le caractère naturel de la maison. Les tables,
les armoires et les chaises n’entrent en aucun cas en contadiction avec
le goût de Wright pour les surfaces allongées, horizontales
et superposées. Côté lumière, Fallingwater est
très bien servi, le bâtiment possède une abondante
fenestration, ce qui rend la vie agréable à l’intérieur.
En ce qui a trait à l’énorme quantité de chaleur perdue
par ces baies vitrées, Wright ne devait pas trop s’en soucier, les
Kaufmann étant bien nantis, ils ne devaient pas avoir de la difficulté
à payer leurs comptes de chauffage l’hiver.
Les murs de maçonnerie
qui traversent de bas en haut la majorité des pièces de la
maison sont du nombre des détails qui rendent l’intérieur
de Fallingwater très proche de la nature. Il ne faut pas oublier
toutes les petites attentions qui donnent ce caractère hors du commun
à la construction: les escaliers suspendus, les quelques pierres
qui partent de l’extérieur de la maison (en particulier, celles
près du foyer du salon), l’escalier qui nous amène près
du nid du ruisseau, etc...
J’espère qu’une
fois dans ma vie j’aurai la chance de visiter la maison sur la cascade,
l’oeuvre qui est sûrement la plus grandiose de Wright. Irai-je l’été,
lorsque son abreuvoir, taillé à même le roc, fait couler
une eau bleue et scintilliante jour et nuit? Irai-je l’hiver, quand l’eau
qui tombe est remplacée par des glaçons immobiles? Ce que
j’aimerais vraiment serait de rester assez longtemps en Pennsylvanie pour
voir les multiples transformations que subit Fallingwater au cours des
quatre saisons. Cela doit être majestueux. Si on me demandait de
décrire Fallingwater en deux mots, je pense que le terme «maison
vivante» serait de circonstance.
Junior
MacO'mmune
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