LES GOSSEUX
par David Pêle-Mêle
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L ' INFORMATIQUE MON CUL !

  L'ordinateur, c'est ce qui régente notre monde. Fini, la planète Terre, si nos ordinateurs en viennent à nous lâcher. Mais ils ne se briseront pas! Ils ne nous lâcheront pas! Ils sont user-friendly!

   User-friendly mon cul! Et je ne suis pourtant pas un gros crétin ichtyomorphe: je peux vous expliquer comment se forme un pulsar, ou comment l'empereur Açoka a fondé l'Ordre des Invisibles, mais quand on en vient a parler de paramètres, de format, de compression, JPEG ou BMP en DPI par pourcentage, ça, ça m'échappe. Je vais vous dire, moi, ce qui est vraiment user-friendly: une paille! Le plus con des cons ne peut pas se tromper, avec une paille. Ça fonctionne tout le temps, contrairement aux logiciels soi-disant user-friendly.

   J'ai passé à peu près quinze heures à créer une image dans cette saloperie merdique de Photoshop... C'était pour offrir en cadeau au petit Étienne, mon cousin, qui a sept ans et qui trippe sur Qui-Gon Jinn (dans Star Wars). C'était son anniversaire... Je m'y suis pris d'avance. J'ai d'abord fait scanner une photo de lui tenant un long manche à balai comme si c'était une épée. Puis j'ai bizouné pendant des jours afin de faire une myriade de modifications. Plutôt que de se tenir debout là sur la pelouse à Saint-Donat, Étienne, sur cette photo retouchée, se dressait sur une colline rougeâtre, et sous une voûte céleste étoilée, dans laquelle brillaient deux soleils bleus, et il brandissait son sabre-laser - l'arme préférée des Jedi et de Qui-Gon Jinn, lequel justement se tenait là, également, sur la même colline rougeâtre et sous le même ciel étoilé, juste à la droite de son jeune élève. J'avais copié une image du film et j'avais rajouté ce personnage (Qui-Gon Jinn) à la droite du petit Étienne sur cette même photo où, à l'origine, il n'y avait personne d'autre. Quand la criss d'image fut enfin complétée, je la sauvegardai sur disquette, j'allai dans une boutique, pour la faire imprimer, sur la meilleure imprimante couleur possible. La jeune fille travaillant là récupéra l'image qui était sur ma disquette, pressa quelques boutons sur son clavier, et en vérifiant les paramètres de l'image m'expliqua de sa voix morne qu'il était impossible d'imprimer ce machin parce que la « compression » était seulement à quarante pour cent, puis, que, de plus, c'était une image en 100 DPI et que pour des résultats qui se respectent côté qualité, il fallait absolument du 300 DPI. Moi j'ai refusé de le croire, j'ai insisté et elle m'a donc imprimé ceci: un timbre, sur lequel on ne distingue pratiquement rien de tout ce que je viens de prendre quinze lignes à décrire. Or, sans le savoir, et bien qu'à l'écran mon image m'avait toujours paru avoir huit pouces de haut par environ six de large, j'avais travaillé, à temps perdu, deux semaines durant, sur une cochonnerie virtuelle qui n'avait, en réalité, qu'un pouce de haut, par trois quarts de pouce de large et c'est ça qui est ça! L'informatique me fait chier. Et on nous rabat les oreilles avec l'expression: user-friendly, hélas ça n'est guère plus user-friendly que mon scrotum, (et il faut avoir un diplôme en physique nucléaire simplement pour pouvoir créer une image).
 


 LES GOSSEUX

   Le problème, c'est qu'en fait, et excepté Luc, nul homme ne SAIT comment fonctionnent tel logiciel, telle application ou patente. La civilisation dans laquelle nous vivons ne vit que de l'informatique et n'en vit d'ailleurs qu'au « pif », si vous acceptez gentiment de me passez l'expression. Donc on y va à la va-comme-je-te-pousse, au petit bonheur la chance, on tète, on essaie, on appelle un ami pour qu'il nous aide, on re-tète, on ressaie encore... on trouve un truc par hasard; on s'efforce de déduire le reste. Ça fait dur.

   C'est comme quelqu'un qui apprendrait à monter à cheval seul, et sur un cheval sauvage. (Essayons de lui passer, je ne sais pas moi, une lanière de cuir dans la gueule. Tire un peu à droite! Donne des coups de talons dans ses flancs! Aïe! le pauvre... il n'a plus trop l'air d'aimer ça. Au pif, j'te dis! Essaie en tirant la bride d'une seule volée en criant hue! ou en ne tirant qu'à gauche et en criant dia! Ensuite, deux coups de talon dans le flanc. Non. Ça ne va pas! Bon, on ressaye avec un seul coup de talon et hue! et la bride très lâche durant trois secondes... Etc.) Bonne chance, mes gros! car il me semble que vous allez en avoir besoin car ça risque d'être long, votre affaire, à ce rythme-là. C'est du tètage dans du tètage, dans le but de pouvoir bizouner à un niveau supérieur, non moins téteux.

   Nasdaq, ça veut dire quoi-tu? North American Stock Display Array Quasimodo? Net And Space Directory Ad Québec? Quoi? Est-ce que l'un des lecteurs de Ma Commune, pourrait m'expliquer le rapport martien de ce mot parfaitement hors de la réalité terrestre? On m'a dit que c'était une Bourse électronique, c'est-à-dire que l'on a décidé, un jour, de séparer du reste du Dow Jones les compagnies qui font dans l'électronique, et de mettre celles-ci dans une cour à part, seules entre elles, comme une élite universitaire. Sur Nasdaq, on retrouve que des compagnies comme Microsoft ou Compaq: que des compagnies de software. Ça doit être ennuyeux à mort de transiger là-dedans. Donc ils veulent sectionner Microsoft en deux pour avoir plus de joueurs et donc plus de possibilités. En effet, à quoi ça servirait d'avoir sur une patinoire, Wayne Gretzky, Le Rastaquouère, et trois enfants un peu anémiques? Est-ce que le match sera intéressant? Non! Alors, coupons en deux le plus gros, Gretzky (mettons que ça donne Fleury, et Jagr), et là, avec eux deux et le Rastaquouère et les kids, déjà c'est un peu moins ennuyeux. Mais moi, ce que je ne saisis pas très bien, c'est pourquoi a-t-on eu l'idée, au départ, d'isoler ensemble ces compagnies qui produisent, somme toute, quelque chose de plutôt accessoire. Ce n'est pas le software qui récolte les champs de maïs et qui trait les vaches. Ce n'est pas le software qui entretient la chaussée, et exploite les puits de pétrole. Le software n'est qu'un outil pratique, pour aider ceux qui exploitent les puits de pétrole et qui récoltent le maïs à administrer leurs affaires, à s'annoncer et à acheminer leur produit. (Le software est-il seulement lui-même un produit? Un tournevis est-il un produit? Et un marteau? Niet. Le produit, c'est la maison préfabriquée, livrée en banlieue. Marteaux et tournevis sont des outils ayant servi à l'élaboration du produit en tant que tel.) C'est ainsi que je vois Nasdaq: de la spéculation non pas sur le produit, mais sur l'outil, ce qui commence à toucher un peu au domaine de l'abstraction. Notre monde est-il peu à peu en train de s'abstraire? Le prestigieux est de moins en moins concret. C'est à tel point stupide, que c'en est drôle!

   Windows fut la mort de l'informatique classique... Louez le film War Games, prêtez une attention toute spéciale au moniteur du petit gars qui pense qu'il provoque la Guerre atomique. Regardez tous les moniteurs, tous les écrans, dans le film: ce ne sont que des écrans noirs, avec des codes se succédant, ligne après ligne, l'un dessous l'autre, alors que les codes précédents remontent vers le haut puis disparaissent de l'écran. Comme dans DOS. L'informatique classique, les mecs, c'était ça. C'était simple, mais sérieux. Les fenêtres et les clics, et les double-clics n'existaient pas encore, et Dieu que nous nous portions bien! C'était un peu comme la sainte paix, avant une épidémie de typhus, ou comme les "Années Folles" avant le Krach boursier. Or, à présent, ce n'est plus sérieux, l'informatique. Nos écrans sont bleus, verts, jaunes serin, et mille fenêtres s'ouvrent comme autant de petites boîtes à surprise, pop! Ploup! Pouêt! Plic! Une par-ci! Une par-là! On double-clique sur des icônes à l'effigie de personnages de dessins animés comme Homer. C'est assez léger, et enfantin... C'est amusant. Plic! Ploup! Pop! Fenêtre! Pouff! Close! Open! Pop! Pouf encore! Comme c'est pathétique! Est-ce que le monde a vraiment besoin de ça? I am not so sure.
 
 

LA SOURIS

   L'informatique a reçu son coup de grâce le jour ou Apple a lancé ses premières souris sur le marché, (ou plutôt, non, pas le jour ou Apple les a lancé, mais le jour où IBM a pris peur puis a décidé de les copier). En bout de ligne, l'informatique de style IBM n'existe plus depuis 1987. À présent nous sommes tous Mac et donc Apple même si nous sommes techniquement et officiellement équipés en PC. Toute la planète Terre ouvre et ferme des fenêtres rectangulaires sur des écrans, en cliquant ou double-cliquant sur un icône: ça ne vous dit rien, tout ça? Moi, ça me dit: Apple. Il n'y a plus d'IBM. Cliquer, moi, ça m'énerve. Je ferme les yeux puis j'imagine la Terre, vue de très loin, depuis l'espace, et sur toute cette boule bleue, trente-huit millions neuf cent quatre-vingt-cinq mille clics à la seconde, à chaque seconde, toujours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par année, et pour l'éternité, parce que c'est parti, à présent, oui, et ça ne s'arrêtera plus jamais!

   Si les extraterrestres nous voient de loin, et surtout s'ils ont les moyens de percevoir le son combiné de trente-huit millions neuf cent quatre-vingt-cinq mille clics à la seconde ad infinitum, aucun doute sur ce qu'ils se diront: « Voici une planète de névrosés très maniaques, dont seul les index tressaillent spasmodiquement sur une patente à gosse reliée par un fil à une boîte abrutissante. » Let's come back in a thousand years. For now, it is stalled.

   En terminant, donc, je crie « Vive les Gosseux! ». Persévérants, entêtés, héroïques. Oui: ils vont sûrement réussir à nous gosser un avenir pas trop dysfonctionnel, et, si ça bogue, nous n'aurons qu'à double-cliquer sur Reset ou sur Delete, et la Terre disparaîtra une bonne fois pour toutes, dans un Cosmos blanc formaté à neuf (tapez: format C: puis appuyez sur Enter).
 
 

David Pêle-Mêle 
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