Depuis les origines très obscurantistes de cette page, je m’efforce
de circonscrire mes idées, afin de faire des articles qui se tiennent
et qui ont une certaine cohésion, mais malheureusement tous mes
collaborateurs, cette bande de fous, ne se donne jamais la peine de trouver
des fils conducteurs à leurs élucubrations. Alors ce mois-ci,
puisqu’il fait chaud et humide, que je ne veux pas me faire chier, et que
je fatigue, j’ai décidé de faire moi aussi un article comme
une queue de veau, comme disent les agriculteurs. Voilà. En voiture!
ITEM #1 / ROBERT BROUILLETTE
Une nuit que j’étais
à me morfondre dans quelque pub anglais du cœur de Montréal,
parcourant l’Amour Monstre de Pauwels, me vint une vision (d’horreur) dans
l’eau de seltz : le Nabot-chef, le minuscule Robert Brouillette, était
passé à quelques mètres de ma personne, ivre mort
et très bruyant. Ce fut un choc, et vous savez que je suis tout
de même un dur habituellement. Mais je vous mets au défi de
rester sereins en voyant cet être de près (sur le plateau
de Karmina 2, c’est lui d’ailleurs qui pouvait faire la grasse matinée
le plus longtemps, car les autres comédiens nécessitaient
deux heures de maquillage, et lui pas). Si vous ne savez pas ceci, l’homme
en question se tient souvent au Café Central, boui-boui de la rue
Saint-Denis fréquenté par la caste prétentieuse des
sous-grunge pseudo-Leloup, et, si vous l’aimez (??) et que vous voulez
le voir, il suffit de sortir trois soirs consécutifs au Café
Central, et vous êtes CERTAINS de le voir rouler sous la table au
moins une fois « live », sans fard, et dans son habitat naturel,
c’est-à-dire une déglingue poisseuse digne de lui et de ses
frères les Autres Nabots.
Bref, dégoûté,
je sortis, et me tins avantageusement en évidence sur le trottoir
achalandé de Saint-Denis, pour prendre un peu l’air et oublier cette
vision morbide, mais c’était sans compter sur la persistance très
malsaine et acharnée des virus bactériens buboniques de cette
souche, et le Nabot décida, dans son ivresse, de sortir aussi peu
de temps après moi cherchant apparemment ses amis (qui est l’ami
de ce mec?). Comme ses amis imaginaires n’étaient pas dehors, évidemment,
il se retrouva hors de l’atmosphère enfumée et glauque du
Central, aux yeux de tous, ressemblant enfin à ce qu’il était
vraiment : un petit échevelé saoul et seul sur un coin de
rue. Il essaya de s’en tirer en cherchant pathétiquement la reconnaissance
du public, mais les sous-grunge pseudo-Leloup du coin sont tellement habitués
de voir sa pomme chaque soir qu’il n’ont plus que le goût de faire
de la compote avec celle-ci. Il s’agita un peu, fit les cent pas, en se
parlant tout seul, pour garder sa contenance, roula ses maigres épaules
comme s’il s’agissait de celles de Gladiator, et se mit dans la tête
de passer DERRIÈRE MOI. Comme j’ai dit, je me tenais avantageusement
sur le trottoir, le dos près de la baie vitrée; mathématiquement,
il y avait un pied et demi d’espace libre derrière moi et vingt-six
pieds d’espace libre DEVANT moi, mais le pigeon (Brouillette, car on compare
ici son cortex cervical à celui du volatile sus-nommé) opta
pour le pied et demi d’espace derrière moi pour se faufiler, va
savoir pourquoi? Il marmonna, comme un peu vexé : « Grrmmll,
ghrmmph! Mrrr mrr! » mais je ne m’ôte pas du chemin de ces
comédiens plutôt médiocres, qui, avec dix fois moins
de talent que Fabrice Luccini, se permettent d’avoir dix fois plus de prétention
arrogante!
C’est à cet instant,
sortant de ses gonds bien huilés, que votre serviteur, moi, faillit
se battre avec l’une des lavettes les plus notoires de l’Union Des Artistes.
À l’issue de ce pugilat, inutile de dire que le pauvre hère
aurait davantage ressemblé au masque de gauche qu’au masque de droite!
Et Brouillette continuait à grommeler machinalement dans son ivresse,
et moi, zen pour une fois, je retins mon poing, qui est de la taille d’une
citrouille, et le laissai se ridiculiser lui-même en solitaire sur
ce trottoir jet-set bondé de gens dont certains, il m’en souvient,
lui jetèrent même quelques miettes de mie de pain et des croûtons
avec un dédain amusé et condescendant (n’oubliez pas qu’il
s’agit ici intellectuellement parlant d’un pigeon!)
Sacré Robert «
Nabot » Brouillette : il se comporte en public impunément
comme un petit coq (au vin, puisqu’il est soigneusement imbibé d’alcools
en tous genres), mais il n’a pas encore réalisé ce que tous
les autres savent instinctivement, à savoir : qu’il est UNE MAUVIETTE!
Oui, mauviette s’il se bat, et aussi mauviette-acteur, qu’on se le dise!
Il a du talent pour jouer dans les téléromans que je n’écoute
guère… En vérité, la seule fois où je l’ai
vu performer assez merveilleusement bien, c’était dans le film Eldorado,
où il jouait le rôle d’un cocu (c’est-à-dire, son propre
rôle, hé! hé!). D’ailleurs, selon nos sources, ce Nabot
serait un très mauvais coup au lit. Méfiez-vous, mesdames
qui fréquentez le Café Central!
ITEM #2 / LA TÉLÉ EXPLOSIVE
Quand aucun de ces cons (Pêle-Mêle,
Patry, etc) n’est présent au Bureau, je m’allonge, fort nu, sur
le joli divan en cuir râpé de Ma Commune Légère,
et je zappe la télé lassement en émettant des sons
de gorge qui se rapprochent de ceux d’un didjeridoo d’Orang-Outang. Donc
je regardais cettte cochonnerie de téléviseur (qui date soit
dit en passant des années 70 : c’est un immonde tas de ferraille
ce machin), et cette saleté d’image vacillait sans cesse, juste
pour que je m’enrage, et je me levais à chaque deux minutes pour
ajuster l’antenne, retournais m’allonger sur le divan en cuir râpé,
et à cet instant l’image revacillait derechef, et je me relevais,
ajustais, et cetera, sept cent fois. La sept cent unième fois, j’explosai,
à bout de nerfs, et fis la prise du Cochon Qui Tousse à mon
téléviseur, mais il ne résista pas, si vieux qu’il
était… et l’écran, à ce moment précis, se déscella
du reste du cadre de l’appareil vieillot. Bizarre, me direz-vous? Ça
ne fait que commencer, agent Mulder! J’ignore si le tube d’un moniteur
est scellé sous vide ou quoi, mais après avoir été
brutalisé par mes soins, la chose commença à siffler
fortement, comme si j’avais rompu un sceau sacré de la Kabbale sur
une tombe hermétiquement close, et que l’air vicié s’échappait
du sépulcre (ou alors se précipitait à l’intérieur,
si toutefois le truc était véritablement sous vide comme
un sas). Je pris peur, parce que je me rappelai soudainement les films
d’Indiana Jones, et les pièges sadiques qui y pullulent.
Puisque j’étais nu
comme un ver, je m’éloignai de l’appareil qui sifflait véhémentement
de plus belle et risquait d’imploser ou d’exploser, selon le cas. Quand
je fus à l’autre bout du Bureau, j’observai la bombe à retardement,
craignant de m’en approcher. Je ne voulais pas être tout criblé
d’éclats de verre des années soixante-dix, ce qui n’est plus
à la mode. Après une minute donc, j’empoignai une douillette,
et en la tenant devant moi, tendue comme un écran de protection,
j’approchai du monstre. Il n’explosa pas, étrangement, mais puisque
c’était « Partis Pour l’Été » qui jouait
à ce moment, avec Robert Brouillette comme invité, je ne
pris pas de chance! Jamais je n’aurais pensé qu’un téléviseur
Sears de 1976 pouvait vraiment pousser un tel dernier soupir, et me terroriser
de la sorte, moi qui habituellement n’ai peur de rien.
ITEM #3 / LE RÊVE GAUCHISTE
Quand j’ai souffert d’une
fièvre jaune l’hiver dernier, et que j’étais au lit avec
une fille ressemblant à s’y méprendre à ma chère
Louise Beaudoin (j’avais rencontré cette gonzesse sur le plateau
de tournage de La Planète Des Singes), à force de médicaments
non-étiquetés prescrits illicitement par Pêle-Mêle,
je divaguai littéralement, et dans mon délire, le côté
sur lequel je me coucherais afin de me rendormir pris soudain une importance
primordiale : c’était une question de vie ou de mort! J’étais
traumatisé par ce choix existentiel qui prenait d’un seul coup toute
la place dans ma vie… Gauche? Droite? Gauche? Droite? Gauche droite? Ah!
Quel dilemme FOU! J’avais soudain l’impression d’être Pêle-Mêle
à la Cabane à sucre lorsqu’il devînt fou pour la première
fois, moment sinistre entre tous dans l’Histoire de Ma Commune Légère.
Je m’extirpai du pieu moite
où j’étais collé et arpentai l’appartement fiévreusement
(justement) tout en me torturant les méninges : « Vais-je
me recoucher à droite? Vais-je me recoucher à gauche? Merde,
c’est fou la vie! Pourquoi doit-on prendre des décisions aussi cruelles,
fondamentales, irrémissibles et graves et sans appel. Pourquoi quelqu’un
ne peut-il pas choisir pour nous, et, ainsi, ôter un poids énorme
de sur nos frêles épaules de pauvres mortels innocents!
Presque paniqué, je
courus dans plusieurs pièces jusqu’à ce que je trouve un
pot de confitures vide avec des pièces d’un sou accumulées
à l’intérieur par les radins qui travaillent pour moi. C’est
ce que Junior a baptisé le Pot aux Roses, parce que, lorsque entièrement
plein, les pièces d’un sou totalisent quatre-vingt-deux dollars,
montant suffisant pour bouffer au Ritz avec Del Monte, Kalypso, Pêle-Mêle
et Woody. Moi, je n’y vais jamais : ces petites soirées pédantes
me puent au nez. Mais là, affolé, délirant, perdu
dans les nébuleuses considérations métaphysiques de
ma maladie (et la médication satanique de Pêle-Mêle
n’aidant en rien mon organisme à triompher), je fis fi des règles
pré-établies, et plongeai la main dans le Pot aux Roses interdit.
Je volai un sou, ce qui est énorme pour ces maudits radins chiches
qui travaillent ici, et je décidai de jeter la pièce en l’air.
Pile, je me coucherai à gauche; face, à droite. Ce ne serait
pas moi qui porterais le poids de cette décision atroce, en fin
de compte. Hurray! général Mac Arthur!
Je jetai la pièce
dans la pénombre. Je la rattrapai. J’écarquillai les yeux
en cherchant à voir le motif sur le sou. C’était pas Élizabeth.
Pile, donc. Gauche, donc. Je me recoucherais à gauche! À
gauche! Gauche! Ah! mais oui! ça fait du sens, à présent!
Avec le recul, après coup, tout semble clair. C’était sûr
que ce serait la gauche. Ça semble évident. Ça va
de soi! Ça coule de source! C’est limpide! La gauche! Eh oui! Comment
n’y avais-je pas songé plus tôt, merde!
Me ruant dans le baisodrôme,
je me couchai à GAUCHE, et pour partager cette victoire morale avec
une âme pure et naïve, j’assenai un coup de coude dans les côtes
de Louise II (j’ignorais son vrai nom) et quand elle fut enfin tirée
des bras musclés de Morphée, je lui dis, tout victorieux
: « Regarde! Regarde! Regarde! Je suis À GAUCHE! »
Elle ne fit que rire un peu,
nullement fâchée d’avoir été réveillée,
et se rendormit, penaude.
Le lendemain, mes globules
blancs surpuissants « à la Wolverine » avaient terrassé
la maladie, et j’étais de nouveau moi-même, frais et dispos.
Rien n’avait changé dans l’univers. Excepté qu’en allant
prendre le courrier du jour dans la boîte aux lettres communale…
Je constatai que j’étais
abonné au Journal marxiste-léniniste du Parti! Qu’est-ce
que ça aurait été, si je m’étais couché
à droite?
ITEM #4 / SHOPPING INCOGNITO
Cette photo d’un espion russe
a été prise contre mon gré, et alors que je m’étais
déguisé (remarquez la boucle dans les cheveux!) pour aller
me procurer une boîte de cent vingt préservatifs LifeStyles
dans une pharmacie que je ne nommerai pas.
ITEM #5 / CLASSICO DESTRUCTIONE
Vous connaissez les sauces
à spaghetti Classico? Moi, je viens de les découvrir. C’est
bon. Je fais en ce moment la collection. Je conserve les pots une fois
vides. Je veux en arriver à avoir toutes les étiquettes.
Ce qu’il y a d’un peu effrayant, c’est que j’étais assis devant
le petit écran à manger un spaghetti avec de la sauce Classico
di Genoa… et il y avait au téléjournal des émeutes
à Gênes : ça bardait, vitres fracassées, gaz
lacrymogènes, escouade anti-émeutes, voitures incendiées,
etc. Coïncidence? Une semaine plus tard, je me procure un pot de sauce
Classico di Sicilia, et alors que je bouffe, en écoutant les nouvelles,
qu’est-ce que je vois-t-y pas? L’Etna pète un plomb et commence
à cracher des kilotonnes de magma en fusion, et il faut évacuer
un tas de villages. Coïncidence encore?
La semaine prochaine je m’achète
la Classico di Firenze. Tenez-vous-le pour dit les gens de Florence! Il
va y avoir un tremblement de terre ou une comète ou une inondation,
ah! ah! ah!
Rastaquouère
MacO'mmune
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