LE PAIN
par Rastaquouère MacO'mmune
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Depuis des millénaires, l’homme savoure le goût du pain. Cet aliment dit «de base», au même titre que le beurre, le lait, le potage aux lentilles, le canard à l’orange, et le pudding Moments Magiques, jouit d’une popularité qui ne peut être démentie. Chaque jour que le bon Dieu amène, partout sur le globe, l’homnidé moyen engloutit des quantités astronomiques de cet aliment; il le dévore grillé au petit déjeuner, il s’en délecte à midi en sandwich au baloney (la plupart du temps), et, au souper, comme s’il n’en avait pas assez, il s’en glisse, ô le goinfre! quelques tranches derrière la cravate, en mangeant son pain de viande.

Malgré sa notoriété, le pain n’a jamais vraiment été étudié à fond, dans ses moindres interstices. Il est un grand incompris de nos tables, et, si nous nous penchons sur son sort journalier, ne serait-ce que six mois, nous prenons assez vite conscience qu’être un pain est une tâche bien ingrate (encore plus qu’être le rédacteur en chef de ce foutu site, ce qui est mon pain quotidien). C’est pourquoi aujourd’hui, ne reculant devant rien, j’ai voulu lui redonner ses lettres de noblesse, et vous ai confectionné un petit lexique des pains qui existent sur les tablettes de votre boulanger préféré.

Le pain intégriste
Inventé par un certain Montignac (un bon à rien), c’est le pain des nazis. Coriace s’il en est un, ce pain est l’un des plus difficile à déglutir; il nous reste pris en-travers de la gorge. Sa dureté légendaire met même à l’épreuve les dentitions les plus acérées. Pas étonnant que beaucoup de gens aient une dent contre lui. Malgré toute l’imperfection qui le caractérise, il fait toujours führer chez certains attardés mentaux. Pour finir, je m’en voudrais de ne pas informer mes amis juifs de tous acabits que ce pain n’est définitivement pas kasher, un conseil : faites une croix (gammée) dessus.

Le pain de savon
Les mamans font manger de ce pain-là aux petits sacripants chaque fois qu’ils osent dire des gros mots (ici, je ne parle pas des «anticonstitutionnellement» ou de «microscopiculesque- ment» mais bien des «ventrebleu!» et des «saperlipopette!»). Même si le pain de savon à très mauvais goût, il a pourtant la capacité d’enrayer la mauvaise haleine du matin. Personnellement, j’utilise celui de marque Irish Spring.

Le pain pon
C’est le pain qui arrive quand il n’est plus le temps de manger parce que la maison brûle. Le pain des secouristes, quoi! Ici, il n’y a pas besoin d’avoir un grille-pain pour faire l’affaire. À ne pas confondre avec une autre sorte de pain : le pain Pom!

Le pain de ménage
Ce pain s’agrippe aisément d’une seule main; il est donc très aisé de le grignoter d’une main, et de faire le ménage de l’autre. Il peut aussi être lancé comme un ballon de football lors d’une scène de ménage : messieurs, protégez vos bijoux de famille! Trêve de plaisanteries, ce pain est très dispendieux. On ménage, compris?

Le pain aux cousins
Les anthropophages, ces joyeux drilles, ont aussi leur pain de prédilection. Il s’agit du pain aux cousins. Comme son nom l’indique, il est truffé de cousins, c’est à dire de Français. Fort en bouche – nos cousins français gouttent ce qu’ils sentent –, le pain aux cousins n’en est pas moins apprécié des fines gueules cannibales; selon les dires de ces derniers, le goût impropre propre à ce pain lui donne un charme gustatif irrésistible.

Le pain piteux
Déprimant, c’est le mot qui me vient en tête quand je réfléchis à ce pain dépourvu de mie. Un jour d’été, m'absentant de ma léthargie hivernale, j’en ai même retrouvé un collé sous mon séant (comparable à deux belles miches de Première Moisson). Il m’avait accompagné pendant tout l’hiver sans que je m’en rendisse compte. Parlant de sa platitute, son caractère bi-dimentionnel à quand même ses utilités : il peut même sauver des vies! Tout jeune, j’avais embarré mon frère dans la salle de bain, puis j’avais perdu la clef, par mégarde, en l’avalant. C’était pendant la grève des serruriers, d’ailleurs, et mes parents durent concevoir une façon de nourrir mon frère (au pain sec et à l’eau) en attendant la résolution du conflit. Ils réalisèrent qu’il était simple et commode de glisser du pain piteux par la fente, au bas de la porte. Si vous n’aimez pas le pain piteux, imaginez à quel point mon frère déteste ce mets. Après deux mois à ne manger que ça, il était vraiment piteux quand la grève fut finie, et qu’un serrurier fut appelé d’urgence pour le délivrer.

Le pain rassis(te)
Tout d’abord, sachez que nous ne mangeons pas de ce pain-là. C’est la nourriture un peu « passée date » des xénophobes, et qui se rapproche, par certains aspects caractéristiques, du pain intégriste (voir ci-dessus). Au fait, le pire du pire, vous l’aviez deviné, n’est-ce pas, c’est un quignon de pain intégriste rassis(te). On ne trouve pas plus nazi que cela, les amis. Ce serait comme être pris en pain entre Le Pen et Goëring. Méfiez-vous.

Le pain baguette
C’est l’instrument (contondant passé deux heures trente de l’après-midi) favori des Parisiens et autres menus franchouillards de quartier, qui le transportent sous l’aisselle. Nous ne nous engagerons point sur un terrain aussi glissant ici et aujourd’hui, nous aurions énormément de pain sur la planche, à disserter des Français. D’ailleurs ce serait suicide professionnel, pour un webzine tel que le nôtre, puisque notre lectorat est à un tiers français (de France). Nos articles, dans l’Hexagone, se vendent comme des petits pains chauds gratuits. Alors bon continuons à avoir la langue bien pendue, certes, mais n’ambitionnons pas sur le pain béni, quand même. Si les propriétaires d’aisselles porte-baguette décidaient de nous boycotter, nous aurions perdu notre gagne-pain.

Le pain aux bananes
Au début, je ne voulais pas parler de ce pain qui, n’en déplaise à la bonne conscience des gourmands, s’apparente d’avantage à un gâteau, qu’à un pain. Ce furent mes macaques rhésus qui, sous la menace de ne plus rédiger mes articles à ma place, me firent changer d’idée. Hé oui! C’est le péché mignon de mes macaques (et de tous les autres singes), et ce, à cause des bananes contenues dans la mie, bien évidement! C’est un bon pain, mais on peut avoir des hauts-le-coeur en songeant que 100% des pains aux bananes sont fait de bananes pourries à 100%. (Avertissement : à ne pas confondre avec le pain aux bananes des cannibales).

Le pain d’épices
Encore là, j’hésitais à vous parler d’un pain qui, au même titre que le pain aux bananes, fait partie de la catégorie des pains-gâteaux. Je suis toutefois conscient que certains lecteurs ont le bec sucré, et qu’ils m’en voudraient beaucoup de passer sous silence l’une des belles inventions boulangères du dernier siècle. Il faut dire qu’un de mes héros de toujours, Tricky Dick Nixon, était reconnu comme un gros mangeur de pain d’épices. D’ailleurs, le président en avait toujours quelques-uns en réserve, dans ses bajoues de bouvier des Flandres (sur lesquelles il a d’ailleurs bâti toute sa renommée). Singulièrement, il appréciait croquer dans des petits bonshommes en pain d’épices qu’il faisait décorer à l’effigie de ses adversaires politiques, ce qui n’est pas sans rappeler le principe de la poupée des adeptes vaudous. Rusé, le Dick!

Le pain noir
Ce sont les pingres, et, surtout, les pauvres (c’est bien connu), qui mangent toujours leur pain noir. C’est un pain abordable; à l’unité, on se le procure pour une bouchée de pain. Il est fait à partir de sarrasin (comme l’ancien VJ « has been » de Musique Plus, monsieur Pain Sarrasin), une céréale popularisée par Séraphin Poudrier, dans le téléroman Les Belles Histoires des Pays d’En Haut. L’homme mangeait en effet ses galettes de sarrasin (un pain plat) avec de la viande à chien. En plus de son avarice, il avait de drôles de goûts, ce bougre-là!

Le pain paré
C’est le pain des petits et des grands enfants. Popularisé par la célèbre émission de notre jeunesse, Passe-Partout, pour ne pas la nommer, le pain paré possède un très bon rapport qualité/prix, puisqu’il a la caractéristique de prendre du volume en vieillissant. C’est sans nul doute le plus éducatif des pains, mais ne soyez pas dupes : ses prétentions éducatives ne l’empêchent pas de se distinguer, sur le plan des plaisirs charnels. Oui, disons-le franchement, ce pain est cochon, et sait tout particulièrement faire honneur au blé-d’Inde de mon’oncle Fardoche, ce pendant que Passe-Partout est occupée à flatter un cadavre d’oiseau et Passe-Montagne en train de répéter frénétiquement : « J’ai mal au nez une fois par année. J’ai mal au dents... Tout le temps! » (Passe-Montagne mangerait-il du pain intégriste?).

Maintenant que vous connaissez mieux l’univers merveilleux du pain, vous ne verrez plus jamais du même œil votre petit déjeuner. Nous sommes ce que nous mangeons, paraît-il, alors, entre deux bouchées, lorsque vous vous remémorez le dicton «mange ta main, et garde l’autre pour demain», vous pouvez tout aussi bien le faire (il n’y a que peu de différence, vraiment, entre un quignon et un moignon).
 
 

Rastaquouère MacO'mmune 
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