Les univers de fiction se comptent, dorénavant, par centaines, et
ceux qui les élaborent s’inspirent (c’est tout à fait légitime)
du monde dans lequel ils évoluent eux-mêmes. Ils prennent
pour première base de travail, ce monde-ci, avec ses qualités
et ses défauts, avec ses particularités, heureuses ou nuisibles.
Ils s’inspirent de sa géographie, de sa politique, de son économie,
de ses formes de gouvernement, et de la mosaïque de ses religions.
Pas de problème jusqu’ici. Là où ça se gâte,
c’est lorsque des idées reçues s’infiltrent dans ces processus
de création, afin de les corrompre de l’intérieur, et d’en
faire, en quelque sorte, des vitrines haineuses déguisées
en divertissements. Pas facile de discerner ces caméléons
au premier coup d’oeil, puisqu’ils sont parfois noyés dans un décorum
féerique aux tons flamboyants et pouvant paraître anodin à
beaucoup d’amateurs, sauf les plus méfiants...
Paranoïaque? C’est possible.
Qu’on en juge! À force de regarder de trop près, il pourra
se produire deux choses diamétralement opposées: on peut
commencer à percevoir ce qui est vraiment, ou commencer à
voir ce qui n’existe aucunement, comme dans le cas de ces fameuses toiles
abstraites, très floues, où l’on est censés découvrir
soit un voilier, soit des chevaux... ou soit des chimères (à
force d’essayer trop intensément).
Dans n’importe quel monde
« fictif », il y a des prêtres de ceci et des grands-prêtres
de cela. On retrouve par exemple dans le monde de Warhammer des
prêtres d’Arianka et des prêtres d’Ulric, même de diaboliques
prêtres de Slaanesh... Hélas pourquoi toujours des «
prêtres » seulement? Pourquoi pas des « bonzes »,
des « imâms », des « rabbins », et tout?
car puisqu’il s’agit là de mondes complètement fictifs...
les guides spirituels peuvent bien s’appeler n’importe comment! Ce qui
est énervant, à la longue, c’est que le chef religieux-type
du Judaïsme (c’est-à-dire le rabbin) demeure un personnage
exclusivement cantonné à la culture juive; que le chef religieux-type
de l’Islam (c’est-à-dire l’imâm) demeure une figure exclusive
à la culture islamique; que le chef religieux-type oriental (c’est-à-dire
le bonze) n’outrepasse jamais le stade folklorique de maître à
penser oriental; mais que tout ce temps durant, le chef religieux-type
chrétien (le prêtre), lui, soit transposé partout et
employé dans toutes les fictions, toutes les allégories,
et qu’il ait, décidément, transcendé le simple «
folklore » du Christianisme... Quand on pense que même sur
la planète natale du logique monsieur Spock, la directrice spirituelle
est une « grande-prêtresse », non une grande-rabbine,
ou une grande-imâmesse. C’est fou! Vulcain est une planète
i-ma-gi-naire (eh oui, Trekkers, désolé), alors, qu’est-ce
que le Christianisme aurait de plus à y voir que la religion juive
ou que le Taoïsme ou le Bouddhisme ou l’Islam? L’on ne songe pas à
ces choses-là mais c’est l’indicateur infaillible d’un préjugé
tenace. Et Roddenberry était Juif. Pourquoi n’y a-t-il pas pensé?
Le monde de Greyhawk
est aux trois quarts Blanc, et de type anglo-franco-germanique, ou
« Arthurien ». C’est une sorte d’Europe de l’Ouest médiévale
à l’infini, dans toutes les directions, où règnent
monarques barbus par-dessus monarques barbus et ou s’affrontent toujours
paladins par-dessus paladins (les « paladins » étaient
historiquement des chevaliers de la cour de Charlemagne). Hormis une demi-douzaine
de provinces (minuscules) qui portent des noms plus ou moins exotiques
(par exemple: Abbor Alz), afin d’amener juste un petit peu de pittoresque
à toute cette trame, le reste du continent Greyhawk propose
un espace purement aryen... Heinrich Himmler et ses meilleurs amis (c’est-à-dire
les SS), pour sûr, auraient franchement adoré ce délicieux
monde-là.
Le monde de Stormbringer
est, lui aussi, relativement nazi... Elric l’albinos est un héros
on ne peut plus « blanc » (pardonnez ce curieux pléonasme),
et son île, sanctuaire inviolé et d’ailleurs quasi inviolable
de la race melnibonéenne, est sise au centre du monde. Les diaboliques
sorciers de Pan Tang, île rivale, sont des espèces de Chinetoques
puants, sans moralité, et qui ne savent que tuer et piller à
tout va. Les landes appelées Weeping Wastes sont le rupestre
berceau de sous-hommes coriaces du type Cro-Magnon, alors que toutes les
contrées de Shazaar, de Yu, et d’Oin, manifestement, sont un terreau
de sales Perses, ou de sales Turcs ou de sales Jaunes et autres essences
mongoloïdes. Les royaumes côtiers de Vilmir et de Lormyr (avec
leurs jolis noms à consonance celtique), bien entendu, sont les
plus prospères, exception faite de Melniboné elle-même.

Sur la carte ci-dessus et
les cartes subséquentes j’emploie les couleurs suivantes afin de
dire quelle race occupe quelles frontières: ROSE pour les races
blanches; VERT pour les races sémitiques; BRUN pour indiquer les
races noires; JAUNE pour les races orientales; ORANGÉ pour les races
latines; GRIS pour les sous-hommes / hommes de Cro-Magnon; VIOLET pour
les races monstrueuses (démons, hydres, et cetera). Les mers et
les océans sont en bleu, et les zones généralement
inhabitées sont en noir.
Le vrai chef-d’oeuvre
absolu de tous ces mondes nazis est, sans contredit, le Old World,
du jeu Warhammer. Ce monde ne se cache même pas d’être
pro-aryen... C’est très simple, au fond: il n’y a que six royaumes,
dans ce monde édifiant : la France, l’Espagne, l’Italie, la Hollande,
l’Allemagne, et la Pologne. Tout le reste a été baptisé
Chaos Wastelands, et regorge de créatures grotesques décidément
monstrueuses. En ordre décroissant et depuis le meilleur État
en se dirigeant vers le pire, l’on trouve, d’abord, évidemment l’Allemagne
glorieuse, siège de l’Empire, et plus puissant de tous les Royaumes.
Ensuite vient le petit royaume nordique de Kislev qui est la Pologne, terre
des cheveux roux et des Vikings en tous genres. Puis, à l’ouest
de l’Allemagne, vient la France, qui fait pâle figure, comparée
à son magnifique voisin. En quatrième place vient la Hollande,
uniquement représentée par la grande cité portuaire
de Marienburg (Rotterdam et Amsterdam confondues, pour les intimes). Au
cinquième rang, nous retrouvons l’Espagne, royaume désolé,
à l’écart des sentiers battus, parsemé de quelques
(trois) villes provinciales sans intérêt. Et finalement, au
bas de la liste, vient l’Italie, contrée maléfique, s’il
en est, et où se dresse la forteresse immense de Skavenblight, une
affreuse citadelle d’hommes-rats, rien de moins! L’on voit là quelle
belle opinion les concepteurs de Warhammer ont des « Ritals
»... À tout le moins, le royaume d’Italie figure au nombre
des six royaumes dits civilisés, car, à l’extérieur
de ce très sélect groupe européen, c’est le néant
bestial... La zone sud-sud-est qui est appelée commodément
« Border Princes », est un bizarre gruyère politico-religieux,
autrement dit les Balkans, cette poudrière malsaine, selon
le mot de Bonaparte... Lorsqu’un personnage quitte l’Empire vers le sud-est,
autant dire qu’il s’en va se faire voir chez les Grecs, et l’on ne le reverra
sans doute jamais vivant, car il rôde par là des créatures
répugnantes, boucs sur deux pattes, hommes-sangliers, orcs, démons,
bêtes sans nom, hydres et bestioles de la forêt. Pas vraiment
le Club Med, en un mot. Et, encore plus au sud, l’Afrique: grossier nid
de vipères, de nécromanciens machiavéliques, de cannibales
illettrés, anthropophages et animistes, incestueux et païens.
Envoyons-leur le Reichmarshal Rommel!

La revue mensuelle de la gamme
des produits Warhammer s’appelle White Dwarf, ce qui est
une simple anagramme de l’expression de ralliement « White Power
».
Il n’est même pas besoin
d’aller nager un petit peu du côté de l’inconscient afin de
se rendre compte qu’un D majuscule ressemble beaucoup trop à un
P majuscule. Secundo, deux consonnes du mot Power, soit le « w »
et « r », reviennent, telles quelles, dans le mot secret Dwarf.
Et tertio, la voyelle « o » de Power se transforme simplement
en la voyelle « a », tandis que le « e » de Power
devient un « f » dans Dwarf (puisque le titre de ce magazine
est fait en lettres dites carrées, rien ne ressemble davantage à
un E qu’un F).
Le monde de Conan le
Barbare est l’univers fictif le moins nazi que j’aie déniché,
mais c’est encore loin d’être honnête. Il y a, là, une
proportion harmonieuse de nations riches et prospères: Zamora (l’empire
byzantin), Corinthia (le monde hellénistique), Turan (le sultanat
ottoman), Zingara (l’empire génois), Ophir et Koth (l’empire austro-hongrois),
Cathay (la Chine), Iranistan (l’empire perse), Stygia (le monde pharaonique),
puis Shem (le Proche-Orient ancien)... Au nord, comme quoi il est plutôt
difficile de s’en passer, on retrouve les nations « blanches »
Vanaheim, Aesgaard, Hyperborée, Cimmeria, d’où sont issus
les plus féroces gaillards aux cheveux blonds ou rouges, ainsi que
Conan lui-même, qui a les cheveux noirs, cependant, pour que personne
ne le confonde avec Rahan, le Fils des Âges farouches. Ce qui est
moins rose dans le monde de Conan, c’est tout ce que l’on voit, géographiquement,
au sud de Kush (qui équivaut au Soudan): une série ridicule
de territoires minuscules, peuplés de Noirs ignares, pratiquant
des religions puériles, et sans aucune hospitalité, dévorant
les aventuriers qui se pointent chez eux (sauf Conan, parce qu’il sait
se défendre et qu’il est Blanc). Ces tribus vénèrent
toujours un diable abject et jettent à leurs ennemis des sortilèges
de magie noire vaudoue qui fonctionnent rarement, parce que ces sales nègres
ne sont même pas foutus, semble-t-il, de réussir une invocation
satanique relativement simple...

Il y a aussi, à l’ouest
de l’Aquilonie, une énorme bande de terres incultes puis de jungle
qui s’apparente (plus ou moins) aux Weeping Wastes d’Elric, et qui
est appelée: Royaumes Pictes. Les Pictes qui y vivent sont de purs
barbares aux moeurs bestiales et sanguinaires; en outre, ce sont des avortons
gluants et imbéciles, des hommes-singes, oui, et d’ailleurs, notre
héros (Conan) n’a de cesse de les apostropher ainsi: « You,
mongrelman! »
Non contents de haïr
les nègres, les putain d’Arabes, et les Chinetoques, les intolérants
concepteurs de Warhammer écorchent aussi les gais. J’en veux
pour preuve cette comique illustration tirée du jeu original, et
qui représente un petit Halfling, un « semi-homme »,
créature d’un goût douteux, ni très « hot »,
ni très virile, et dont personne ne souhaite endosser le rôle,
à moins d’être fou (ou d’être, justement, un homosexuel).

En train de mâchouiller
je ne sais quel foutu saucisson à l’ail (cela n’est qu’une excuse
graphique pour le montrer en train de sucer), l’air abruti, l’oeil globuleux,
la joue gonflée: bref, un sale pédé de mes deux! Décidément,
ce jeu, quelle farce!
Après les jeux de rôles,
il y a leurs rejetons, ou plutôt leurs ersatz inintelligents, les
jeux vidéo. Les univers supports de ces derniers ne sont pas moins
nazifiants que ceux de jeux de rôles divers (à l’exception
d’un certain paladin de race noire qui a beaucoup fait parler sur le Web,
et qui, faute d’être significatif, est un concept audacieux). Le
personnage de jeu vidéo-type est Blanc, chevelu, occidental, et
relativement vulgaire; ses adversaires par contre sont des sous-hommes
à peau verte (les Orcs, ou « Orques », représentent
les Noirs et autres Aborigènes, au même titre que, dans Star
Trek, les Klingons représentaient les Soviétiques), sous-hommes
bestiaux, grossiers, orduriers, illettrés, et brutaux. Il convient,
comme le préconise la philosophie néo-nazie, d’exterminer
ces ethnies inférieures, à gros coups d’épée
magique, ou de boules de feu purificateur : chaque « tableau »
du jeu est décidément une sorte de « chambre à
gaz » au sens figuré, mouroir cathodique où des héros
occidentaux neutralisent tout ce qui n’est pas occidental, Blanc, et civilisé.
Très édifiant, WOW.
Blizzard est la compagnie
qui élabore et vend ces jeux, et qui empêche les autres firmes
d’écouler les leurs. À l’instar du terme White Dwarf, l’expression
Blizzard n’est peut-être pas tout à fait candide et
innocente. Dans BLIZZARD, il y a le vocable « Blitz » presque
en entier (de blitzkrieg), et, par ailleurs, en plaçant un
miroir devant le mot BLIZZARD, on peut voir le sigle des SS au centre exact
du mot, décalé d’à peine quarante-cinq degrés
en sens horaire. C’est donc ça, du « subliminal »? Subtil,
dites donc!

Du blizzard, c’est blanc,
et ça vient du nord. Il n’y a pas de blizzard aux Philippines,
en Arabie, en Afrique, au Venezuela, au Pakistan, dans la bande de Gaza,
en Malaisie, au Brésil, en Syrie, au Cambodge... En fait il est
moins long d’énumérer les pays où IL Y A du blizzard:
Angleterre, Irlande, États-Unis, Canada, Allemagne, France, Benelux,
Suisse, Autriche, Pologne, Russie, et les pays scandinaves. C’est tout.
Ah, oui, on trouve un peu de blizzard en juillet et août sur l’extrême
sud de l’Argentine, mais est-ce pertinent?
Et que penser, en terminant,
de l’acronyme ZOG (Zionist Occupied Government), si cher aux néo-nazis
de tout acabit, et qui, de façon particulièrement insolite,
se trouve répété, périodiquement tel une sorte
de mantra, autant dans le jeu de rôles Warhammer que dans
la gamme des jeux vidéo Warcraft de la firme Blizzard? Lorsque
dix-sept coïncidences se stratifient les unes au-dessus des autres,
comme ça semble être le cas ici, je n’appelle plus ça
des coïncidences, j’appelle ça un « pattern ».
Pensez-en ce que vous voudrez.
Suki plays with Leo
Sacha plays with Britt
Adolf builds a bonfire
Enrico plays with it
(Peter Gabriel,
Games Without Frontiers)
David
Pêle-Mêle
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