LE MOUTON DANS LA GORGE
par Rastaquouère MacO'mmune
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Aujourd’hui, lors de ma balade quotidienne sur les faîtes boueux de nos ancêtres familiaux, il regnait une sinistre atmosphère. Je me disais, à part moi-même: «Diantre! mon petit Rasti d’amour, il règne ici une sinistre atmosphère aujourd’hui.» en m’appliquant gentiment sur le bras gauche, ma peau affligée d’une sérieuse chair de poule, de délicats baisers, dans l’unique but de me donner du courage. J’ajoutai, le foulard virevoltant au vent et toujours aussi profond: «N’est-ce pas étrange?! Ressentir de la crainte dans un endroit qui m’est généralement aussi féerique que, jadis, le parc Belmont l’était à mes yeux d’enfant!»  Je me voyais vraiment comme le commun des mortels dans ce beau cimetière que je chéris. J’avais peur! Il y avait une épaisse purée de pois -communément appelée, par certains poètes néophytes, tout simplement «brume»- qui brouillait mon sens le plus développé, c’est-à-dire la vue. Je parvenais à peine à distinguer la tombe de mon aïeule de celle du père de Woody, le mouton de David.

Mon aveuglement me fit trébucher sur quelque chose d’odorant, moelleux et chaud. J’atterris, par une cabriole digne d’une chorégraphie du Cirque du Soleil, sur le sol clapoteux tapissant la dernière demeure de nos amis (et ennemis - Hé! Hé! Hé!). Je me retrouvais donc, gros Jean comme devant, sur ce lit d’où émanait une putride odeur de putréfaction, oui, vous avez compris mes bichons d’eau douce, dans une position assez compromettante qui, néanmoins, mettait en valeur mon postérieur d’Apollon (comme deux belles miches de pain de chez Première Moisson). M’enfarger dans cette chose inconnue n’eut d’effet que de renforcer la frousse qui m’habitait en ce matin de temps maussade. Malgré la «chienne» qui me glaçait le sang, je me ressaisis promptement et, après avoir craché la boue qui était entrée, lors de ma chute, jusque dans les moindres interstices de mon corps - incluant les alvéoles pulmonaires, j’effectuai, tel mon idole Maogli dans Le Livre De La Jungle, un double salto arrière (triple vrilles) pour retomber sur mes deux pieds - écrasant, par un geste de pure fantaisie, deux rats qui se promenaient côte à côte. Croyez-moi! j’avais fière allure dans ma position à la Bruce Lee: les poings hauts et aux aguets, l’oeil gauche stoïque et légèrement plissé (pour faire comme si notre propre aura nous aveuglait), l’oeil droit, quant à lui grand ouvert, louchant frénétiquement de bas en haut, puis de gauche à droite - tentant de capter le moindre indice d’agression; les bras eux, gonflés comme des ballons et humidifiés d’une fine pellicule de rosée scintillante, tendus et striés de veines, qui, pour être honnête, dégoulinaient de gueusailles hétéroclites pullulant dans les cimetières; la boue, les pétales de fleurs fanées, les bouts de cierges et, vous vous en doutez mes sagaces et puériles prépubères, les os, le sang et la «vermine à grandes dents» (comme les distingués madames anglaises de Westmount qui se pavanent le cul à la mauvaise hauteur en faisant du lèche vitrine sur St-Catherine Up Town).

Toute cette mise en scène était, il va sans dire, très accessoire, l’agresseur que je redoutais ne pouvant point me voir dans ma position très héroïque et virile à travers le voile opaque que mère nature avait décidé, à mes dépens cette journée-là, de suspendre dans le ciel.  Par contre, ce petit jeu, mi-acrobatique mi-dramatique, me donnait une sérieuse dose de courage -j’avais la testostérone à son paroxysme, messieurs, et je ne vous raconte pas d’embrouilles! Vous ai-je déjà fait le coup de mentir effrontément, comme, par exemple, Lorraine Pagé (une main de fer dans un gant volé). Non, moi je ne mange pas de ce pain là! Je suis un homme d’honneur comme Nicky Balsamo, Vanilla Ice (qui maintenant ne s’abaisse plus à faire du chic-a-boume) et, pour faire plaisir à mes lecteurs du troisième sexe, Claude Charron qui, lui, lorsqu’il avait commis son larcin, avait franchement avoué son crime et, cela, malgré la honte qui l’envahissait. Avec ses bajoues de bouvier irlandais - qui me rappellent étrangement celles de mon idole de toujours, Dick Nixon - il faisait vraiment pitié à voir... Bravo Claude! tu es notre meilleur! (Bon, j’espère que cela sera suffisant pour faire retirer les nombreuses plaintes qui ont été déposées à notre endroit par la communauté gaie et lesbienne de Montréal qui a été «heurtée» -dirait Fabrice Luccini, un fendant de bas étage de la pire espèce que j’apprécie au plus haut point- par nos propos, soit disant, homophobes.)

Revenons-en à nos moutons... 

Je suis sûr que vous trépignez sur place, comme quelqu’un qui est au Forum et qui attend en file pour uriner, et voulez en avoir le coeur net! Quelle était la chose qui m’avait fait trébucher en cet obscur et sinistre et maussade et noir et sombre (et j’ai un creux, pas vous? ) matin de printemps? Je vous le donne droit dans le mile: ce n’était point un mécréant voulant provoquer chez moi une crise d’apoplexie, mais bien un mouton dodu et tendre nommé Woody Allen, notre mascotte dont nous ne sommes pas peu fiers, la bête fidèle et affectueuse de mon comparse David Pêle-Mêle - vous savez! le p’tit cousin de Sainte-Rosalie et prolifique auteur de Ma Commune Légère carburant à la caféine. Il sortit de sa gueule pâteuse et odoriférante un bêlement qui me fit présumer de son état d’âme. Ce cri de désespoir que l’animal me lançait en guise de bon matin était lancinant et distortionné, comme si l’on écoutait un vinyle 45 tours de Leonard Cohen ou de Barris White (c’est à votre convenance) sur une table tournante qui ne joue que des 33 tours. Je ne savais pas ce qui affligeait la pauvre pelote de laine mais, selon toute vraisemblance, il ne semblait pas s’agir d’un ennui anodin.
 

Woody filait un mauvais coton et je me devais de diligemment revigorer la pauvre bestiole en pleurs. C’est pourquoi, laissant mes préjugés zoophobiques derrière moi, j’entrepris de flatter tendrement cette boule d’amitié inconditionnelle en lui murmurant doucement à l’oreille, comme les grands-pôpas on la fâcheuse habitude de le faire avec leurs petits fils: « Moé...(attendre dix secondes), dans mon temps...(attendre vingt-et-une secondes),  vrâ comme chus là... (attendre douze secondes), on était capable... (attendre trois minutes - le temps de retrouver de quoi on était capable et de changer la couche), cré-moé... (attendre dix secondes),  cré-moi pas... (attendre dix secondes),  de s’amuser... (toussez pendant trente-deux secondes et demie et prenant soin de laisser couler négligemment un filament de bave de votre lèvre inférieure à votre camisole blanche qui sent, soit dit en passant, le peppermint et l’eau de Cologne cheap), j’t’le dis mon p’tit’homme... (attendre dix secondes), pendant des heures... (attendre dix-sept secondes), capitaine Hi-Liner est de retour au port CHOU! CHOU!... (rire dans votre barbe, au moins cinq secondes, de cette ellipse incompréhensible et absurde qui rendrait jaloux Marc Labrèche s’il y prêterait oreille), avec deux bouts-bois-pi’un-clou! » (Notez que le dernier segment de cette phrase culte des vieux -dont l’écho inonde les hospices partout à travers le monde- doit se prononcer, contrairement aux autres segments de l’énoncé, beaucoup plus rapidement et sans vraiment qu’on puisse y saisir quoi que se soit. De toute façon, votre interlocuteur ne se formalisera pas de ne pas comprendre: il est déjà en train de roupiller et s’il ne le fait pas, il est tout de même conscient que ce que vous dites est stupide et ne vaut pas l’effort intellectuel qu’il faudrait y mettre pour saisir! Bref, il le sait, vous radotez à qui mieux-mieux. Je rajoutai, pris d’une soudaine envie de railleries sarcastiques, en haussant anormalement le ton et en accélérant proportionnellement mon débit verbal (ce qui fit sursauter le mouton): « Fai’que crisse-moi patience avec tes p’tits problèmes de moumounes pis fait un homme de toi! Demain matin..., tu va venir à ma cabane..., pi-on-va-voir..., c’qui-qui-mange-le-plus-de-bouilli!»

Sur ces mots, notre mascotte prit la clef des champs. Au moment même où les rayons du soleil perçaient les nuages gris (on se croyait dans une annonce de la Salvation Army), libéré des chaînes de la peur, j’eus le goût de jouer à saute-mouton... Mais, semble-t’il, j’avais -en bon français- pushé ma luck un peu trop loin. « Ah! ces incultes mammifères à quatre pattes, jamais là quand on a besoin d’eux!», m’exclamais-je savamment, contrarié d’avoir perdu mon compagnon de jeu et, il faut bien le dire, mes agneaux, quelque peu outré par la carence de sens de l’humour caractérisant cet animal, finalement, pas si chouette que ça. Sur ces mots divins -puisqu’ils sortaient droit de ma bouche- je filais droit au bureau de Pêle-Mêle avec à l’esprit la ferme intention du lui faire avaler cette idée soudaine et à propos ayant trait à une fête foraine agrémentée d’un succulent méchoui... Hé! Hé! Hé! (Come on Dave! Penses-y! on va pourvoir faire du bouilli pendant des mois avec les restes...)
 
 

Rastaquouère MacO'mmune 
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