Les acteurs qui jouent les Neuf Marcheurs ont résolu ensemble et
afin de sceller leur alliance, de se faire tatouer le même «
dessin elfique » sur l'épaule. C'est un petit dessin en forme
de cercle et de la taille d'un bouchon de liège environ. Ils ont
tous eu le même tatouage. Ils ont tous été tatoués
par le même artiste. Ainsi donc, la Communauté de l'anneau
s'immortalise... Et la Fiction rejoint la réalité, ce qui
est de plus en plus rare.
Le film
qui sortira en décembre est un gros événement. Le
Web ne tarit pas de rumeurs, de comptes-rendus, de « rapports »
des Super-Spy-Ringers un tel ou une telle, névropathes à
coup sûr, entrés par effraction on ne sait trop où,
ingénieusement « infiltrés » dans de banales
forêts néo-zélandaises où on a filmé
deux mois plus tôt une scène d'une seconde et demie de Frodon
en train de pisser. Corbeaux cherchant des miettes. Ils sont treize millions
environ. C'est fou! Difficile de croire qu'en 1976, à Tozeur, Lucas
tournait un film et qu'il avait la sainte paix absolue... et que personne,
pas un chat, pas un furet, pas même un scolopendre ne venaient rôder
alentour du plateau de tournage. Essayez un peu de faire ça, aujourd'hui!
C'est sans compter sur la vigilance des Super-Spy-Ringers Bozo ou Mafalda
ou est-ce que je sais, moi? Ils sont là. Heureusement pour nous.
On ne saurait rien, sans eux. Merci, Bozo. Merci, Mafalda. J'vous jure
qu'il faut vraiment n'avoir rien à faire, n'est-ce pas?
Parlons
donc de ce film-événement: Le Seigneur des anneaux.
Vous ne connaissez pas Tolkien? Cessez immédiatement de lire cet
article car vous ne comprendrez rien à rien. C'est écrit
en mandarin.
CEUX-QUI-ME-PLAISENT
Cate
Blanchett dans le rôle de Galadriel est une merveilleuse et parfaite
idée. Galadriel ne saurait avoir les dehors de la première
starlette venue. Par exemple, il ne fallait pas que ce soit Vanessa Paradis.
Il fallait à Galadriel une interprète mûre, car n'oublions
pas que la Dame de Lórien est assez près d'avoir huit mille
ans, et pleine d'assurance, et qui a un air de majesté indéniable,
une très solennelle prestance et du « magnétisme ».
En un mot, de la gueule! Et Cate Blanchett, à miracle, réunit,
vraiment, toutes ces qualités royales. Je donne un gros dix (et
une bise) à l'agente de casting.
Je suis
sans doute un ignare de la cinéphilie, mais je ne savais pas qui
était Ian McKellen avant de voir sa photo et d'entendre des gens
me parler de lui. Il prend sur ses épaules le rôle de Gandalf:
ce n'est pas rien. Vous ne pourriez pas concevoir à quel point j'ai
été angoissé à l'idée que le rôle
de Gandalf soit tenu par un vieux con archi-connu ou par un autre. Marre
des vieux cons archi-connus! Lorsque j'ai vu une photo de McKellen, je
me suis dit: Le Monde Est Sain Et Sauf! C'est ce gars qui devait se draper
dans le manteau de Gandalf! Son visage est pur, simple, âgé
mais énergique, son regard semble lustral comme une source polaire
de montagne, et je crois de tout mon coeur qu'il sera un excellent Istari.
La seule chose qu'il n'a peut-être pas adéquate, c'est le
costume,
mais ça, ce n'est pas de sa faute. Les notes que j'ai lues me font
peur... « Nous devions raccourcir de beaucoup sa barbe: à
chaque scène, celle-ci était aux quatres vents, se prenait
quelque part, s'emmêlait, se retroussait; et l'on a même resserré
son légendaire manteau gris. Et pourquoi on ne supprimerait pas
complètement l'écharpe argentée? Un magicien au chapeau
large comme un parapluie, et aux cheveux tombants jusqu'aux épaules,
n'a pas besoin d'une écharpe! » Je tremble de voir au bout
du compte un résultat monstrueux, genre grand-papa Bi en kimono,
ou Jacques Languirand en robe de chambre parfaitement bien ajustée.
Mais finalement...
Saroumane
a une sacrée bonne bouille; l'acteur qui a été choisi,
une vieille bique des « séries B » britanniques, a le
front serein, le nez droit, et ressemble à un petit bibliothécaire
aimable, à qui l'on ferait confiance les yeux fermés dès
le premier jour. Et c'est la preuve que les gens qui travaillent à
bâtir ce film possèdent au demeurant sur le bout de leurs
doigts l'oeuvre complète de Tolkien, contrairement à ceux
qui ont fait le dessin animé... Dans le dessin animé, Saroumane
a l'air carrément machiavélique: il est courbé, il
a les sourcils arqués vers le haut, il a les yeux mauvais et le
nez pointu, et même son vêtement (comble de symbolisme) est
rouge sang; et tout lecteur véritable de Tolkien sait pourtant pertinemment
que Saroumane fut d'abord et avant tout, Curumo, maître des cinq
Istari mandatés par Manwë afin d'assister les Eldar et les
Edain dans leur lutte contre Sauron, et donc l'équivalent d'un Ange
(or un Ange est toujours beau, se tient toujours droit, a toujours l'oeil
clair, et n'a pas le nez aquilin, ni diabolique). La couleur de Curumo
est le Blanc et je doute qu'il n'en change même s'il devient avec
le temps de plus en plus malintentionné; et aucun Istari n'a jamais
porté de rouge. Donc, je suis heureux que l'acteur désigné
pour Saroumane ne ressemble pas d'emblée à une sorte de «
mad
scientist » médiéval.
C'est
Liv Tyler qui tiendra le rôle de la princesse Arwen, fille aérienne
d'Elrond dont Aragorn est épris depuis toujours. Ça aussi,
ma foi, c'est un coup de maître de la part de l'agent de casting
du projet. Magnifique jeune damoiselle de sang elfique s'il en est sur
terre, et aux cheveux foncés contrairement à Cate Blanchett,
ce qui est idoine, puisque contrairement à la Dame, Arwen n'appartient
pas à la « Maison Dorée » du prince Finarfin.
Merci au célèbre chanteur du groupe Aerosmith d'avoir
mis sur terre une créature aussi suave, aussi jolie et aussi éblouissante,
pour qu'elle puisse gravir, avec Aragorn, le grand tertre étoilé
et paisible de Cerin Amroth. (Hélas des rumeurs non-identifiées,
qui nous proviennent de l'Hexagone, le « Berceau de la Bullshit »,
assurent que Liv Tyler serait carrément pourrie dans son rôle,
ce qui m'étonne... et qui étonnera tous ceux qui, comme moi,
ont pu visionner le film de Bertolucci, dans lequel mademoiselle Tyler
crevait l'écran, comme une lame d'exacto dans un condom soufflé,
s'il faut absolument une image.)
Ethan
Hawke dans le rôle de Faramir, c'est une idée sympathique:
Faramir et Éowyn, personnages importants, mais secondaires, dans
ce sens qu'ils ne font pas partie des Neuf membres de la Communauté
de l'Anneau, sont interprétés par les deux acteurs à
mon sens les plus connus médiatiquement (du moins à
Hollywood) que la trilogie verra. Faramir est un seigneur juste, et courageux,
et c'est un personnage que j'ai toujours particulièrement aimé.
Il ne remplace pas tout de go son frère Boromir, mais n'a pas non
plus le défaut que son aîné, malheureusement, a eu.
J'aurais bien vu Gary Sinise dans le rôle de Boromir, mais celui
qui l'interprètera, bien que je ne le connaisse pas, m'a l'air adéquat
aussi. Espérons qu'il sera bon acteur. C'est ce qui importe le plus.
Princesse
Éowyn, Shieldmaiden of the House of Eorl: Uma Thurman? Why not!
C'est un rôle droit et dur qui semble lui aller bien. Pour peu, elle
« volerait le show », comme on dit (et comme Éowyn sur
le champ de bataille de Pelennor). Eh bien, je me réjouis! Ce n'est
là qu'une des agréables surprises du casting. Je cherche
quelque chose de négatif à proférer, pour la forme,
et rien ne vient. Longue vie, donc, à une princesse guerrière
des Rohirrim... C'est ce que durant six mois je me disais... jusqu'à
ce qu'ils la remplacent au dernier moment par une autre. Tant pis, et tant
mieux. Qu'est-ce qu'on peut redire, au fond? Elle n'était pas sensée
apparaître dans le premier épisode, de toute façon.
Ils ont encore le temps de la changer sept fois s'ils le veulent, ces espèces
de débridés.
Le rôle
du régent, Denethor, sera tenu par un certain John Noble que votre
serviteur ne connaît pas du tout... parce qu'il n'est pas omniscient,
et c'est tant mieux... Tout le monde a l'air content du choix de John Noble,
alors je suis content. Vive ce Noble! De toute façon, ç'en
est un autre que l'on ne verra pas, aucunement, dans le premier épisode,
où il n'y a que des Gueux, dont Jack Gueux!
CEUX-QUI-ME-PUENT-AU-NEZ
Celui
qui joue Legolas m'a l'air d'une sorte de sidatique arrivé en phase
terminale, comme le disent les médecins, (et je n'ai aucun grief,
au demeurant, contre les sidatiques, car je sympathise, mais j'ai toujours
imaginé Legolas comme un gars assez costaud et alerte et vif, et
qui n'est point pâle comme un drap oublié dix jours dans l'eau
de javel). Cet acteur me semble louche. Chétif, même. Le fils
du roi des Elfes ne saurait avoir une santé si fragile. Il faudrait
quelqu'un qui fût noir de cheveu et assez gracieux, mais ça
ne veut pas nécessairement dire une lavette! Cet acteur est noir
de cheveux et non pas blond comme le Legolas du dessin animé (une
autre preuve qu'ils ont lu le bouquin), hélas ils vont lui flanquer
une perruque figurez-vous... et de quelle couleur la perruque? Blonde!
Ah! c'est à se cogner la tête contre les murs, bordel de foutre!
Il vous faut un noiraud; vous trouvez un noiraud; et vous dissimulez sa
tignasse noiraude sous une postiche blonde? Ça alors! Que voulez-vous
que je vous dise? Si vous tenez mordicus à être des
imbéciles, allez-y! Il n'a même pas l'air capable de se promener
en montagne, ou de bander un arc, ou de bander tout court. Eh bien, on
verra ça.
Daniel
Day-Lewis a failli être Aragorn: ouf! Mais on l'a échappé
belle. Je réprouve ce choix. Il était bon dans Last of
the Mohicans mais je ne voulais pas voir sa figure reconnue dans Le
Seigneur des anneaux. Ça aurait un peu trop fait Handsome Heroic
Hunk (et vomir, durant les projections, ça m'a toujours rendu mal
à l'aise, à cause de Mimi, ma copine, qui m'accompagne et
qu'a le coeur fragile).
Sam,
Pippin et Merry sont trois Jocks de l'université de Yale et je ne
vois vraiment pas quel rapport il y a, entre ces bons garçons en
santé, roses comme des petits cochons, parfaitement bien potelés
et mesurant six pieds, et ces chers petits Hobbits qu'ils sont sans doute
sensés personnifier. Ceci est un mystère pour moi. Ça
ne fait que commencer à me rentrer dans la tête. Comme si
on tournait, avec la vie d'Anne Frank, mettons, un long métrage,
et qu'on choisissait Ginette Reno pour jouer la petite Juive. Quantifions
le rapport: il n'y en a pas. Zéro absolu; nada; le néant;
zilch. Ça m'échappe.
Je ne
comprends pas pourquoi Mark Ferguson est retenu pour jouer le roi Gil-galad.
Le roi Gil-galad? il a crevé hélas 2931 ans avant la naissance
d'Aragorn; alors, il ne devrait pas vraiment être dans le film! Quantifions
si vous le voulez bien, encore, le rapport: il n'y en a pas. Zéro
absolu; nada; le néant; zilch... Déjà vu, hein?
Non,
allez, séchez vos larmes. Ne pleurez pas. Lâchez cette lame
de rasoir neuve. Je vais vous confier ma théorie. Rappelez-vous
les premières images du dessin animé: des espèces
d'ombres chinoises un peu laides, sur un fond rouge un peu beu-eurk! C'était
une sorte de résumé, en accéléré, de
la création des anneaux par Celebrimbor (et aussi par Sauron) à
l'époque d'Eregion, doublé d'un compte-rendu de la bataille
de Dagorlad, où périrent Elendil et Gil-galad. Alors on aura
peut-être engagé des acteurs exprès pour recréer
ces flashback assez bien pensés, et nous verrons ainsi Isildur
couper le doigt de Sauron, et nous verrons aussi Elendil et Elrond au combat,
mais pas longtemps: l'espace de quelques instants... Ça doit être
ça le gros mystère de la présence du roi Gil-galad.
Sinon, l'autre théorie est que Marty McFly (interprété
comme toujours par Michael J. Fox) sera remonté dans le temps avec
sa DeLorean, et aura ramené Gil-galad au moment de la Guerre de
l'Anneau, ce qui serait bien drôle.
Et pour
ce qui est des Hobbits: j'ai appris la vérité. Voilà.
La façon dont ils seront filmés, un peu comme les Brownies
dans Willow (rappelez-vous) les fera paraître plus petits
que les Elfes, et les Humains. Voilà le secret. Parfait. Des Jocks
miniatures. C'est bien mieux que des Jocks. Je retire ce que j'ai dit.
Non-lieu.
Il y
a eu, en 2000, une nouvelle édition en français du Seigneur
des anneaux, et, sur la couverture du Tome III, une illustration en
couleur où l'on voit un Orc en avant-plan et, debout sur une petite
colline de Mordor, en arrière-plan, une silhouette, sinistre, toute
drapée de rouge, et portant un masque métallique complet
faisant le tour de la tête. Bref, le commandant Destro, tout craché
(dans G.I. Joe). Is that guy supposed to be... Sauron? Soyons sérieux!
Les
Anglais, les Britanniques, n'ont pas encore compris que tout ce qui se
nomme Tolkien est passé dorénavant à l'état
de patrimoine universel. Comme Faust. Comme Cendrillon. Ça
n'est vraiment plus de la littérature anglo-saxonne britannique
exclusivement. Il y a bien des petits Soudanais et des petites Coréennes
qui lisent les livres de Tolkien. Mais les Anglais persistent: ils ne veulent
pas de Sean Astin et d'Elijah Woods, dans les rôles de Sam puis de
Frodon, sous prétexte qu'ils sont Américains. Alors, on leur
balance Ian Holm et Christopher Lee qui sont des Anglais, mais ils chiâlent
toujours et on dirait qu'il faudrait que tous les acteurs sans exception
soient des Britanniques. À preuve: ils ont encore conspué
la nomination de Viggo Mortensen (Américain) pour jouer Aragorn.
Quelle atroce bande de connards imbus d'eux-mêmes.
Je trouve
moi-même un peu nulle l'idée de vêtir les Hobbits
tout à fait comme des Anglais de 1880, c'est-à-dire avec
la redingote et le col dur et le haut-de-forme, et la petite chaîne
de montre en or barrant le devant de la veste. Je n'ai jamais visualisé
les Hobbits ainsi. Vive l'Angleterre, mais quand même! Calmez-vous,
dear! Gosh! Oh my! Respirez un peu via pif... Middle-earth, ce n'est absolument
pas le Yorkshire... Désolé! Il n'y a ni volcan ni mer
intérieure en Angleterre. C'est une île de moutons et de vaches
folles, point!
Gollum
is computerised. Faut bien avoir un nouveau Jar Jar Binks quelque part
et pourquoi pas là? Yes... my precious! Je ne réprouve
pas la chose, je suis neutre. Je n'ai pas d'opinion là-dessus comme
sur le Balrog ou sur Shelob d'ailleurs. J'ai déjà vu des
animations dans Riven et dans Diablo II: c'est médiocre,
mais ça va, du moment que notre cerveau accepte conceptuellement
de « jouer le jeu ». Les Balrog ou Shelob ou Gollum, dont bien
des gens parlent, comme s'ils étaient le Messie, je sais, moi, de
quoi ils auront l'air. Paniquez pas. Ça ne sera pas une Révélation
Divine. Pensez à autre chose. Ce qui est important dans le film,
ça n'est ni Shelob ni le Balrog, ni même Gollum. On s'en fiche.
Focus on the real thing.
Jackson
dit en entrevue qu'il voulait mettre l'emphase sur « the friendship
and self-sacrifice themes of the novel ». Alors ça, oui! Merci
de savoir lire un roman, Petey-boy!
Peter
Jackson est le réalisateur de Brain Dead. (On ne va pas se
le cacher. Ayons le courage de regarder la réalité en face.
Il faut rédiger d'avance notre Legal Will, et prendre quelques arrangements
funéraires au préalable au cas où le film serait un
échec... et que nous ayons, soudain, une envie folle de nous suicider.)
Il y a déjà eu des réalisateurs d'Heroic-Fantasy et
de SF qui avaient commis un ou deux navets et qui se sont rattrapés
par la suite (George Lucas, Steven Spielberg, etc) et on espère
qu'il y en aura un de plus. Mon Marco nous faisait remarquer comment, sans
doute, dans vingt ans ou plus, certains d'entre nous reparleront de tout
ceci, et on lancera sur le ton de la blague des phrases dans le genre:
« Ah! oui! Peter Jackson! Le Seigneur des anneaux! Un classique,
ma foi! Surtout les Épisodes I et III, n'est-ce-pas? Oui, oui. Quoique
je préfère, dans l'oeuvre de Jackson, le rendu technique,
et les éclairages de Brain Dead, qui sont plus expressifs.
» Mon Marco adore remettre cela sur le tapis dès qu'il en
a l'occasion... parce qu'il aime torturer les autres et faire s'insinuer
le Doute dans les esprits optimistes. On ne lui cèdera pas! Sauron,
c'est lui.
ARWEN VOLE LE
SHOW
À
présent, je vais vous parler d'une curieuse polémique Internet
qui concerne les personnages de Legolas, de Glorfindel, d'Éowyn,
et d'Arwen. Il y en a des pages et des pages en anglais sur le Web. Ça
m'a presque dégoûté de lire des sites du Seigneur
des anneaux. It's a real mess! Je vais essayer de vous résumer
ce foutoir. C'est très compliqué. Ouvrez grand vos écoutilles.
La Communauté
de l'Anneau, ceux qu'on appelle les Neuf Marcheurs dans le Tome I, est
composée exclusivement de personnages masculins et ça, les
gars, c'est vraiment pas politiquement correct. Faut une gonzesse
au moins. Alors qui? On n'a que quatre femmes d'importance dans la trilogie:
Galadriel, Goldberry, Arwen et Éowyn. Celles dont le nom commence
par la lettre "G" sont beaucoup trop anciennes pour voyager dans la boue
avec un groupe armé... Quant à Éowyn, elle est loin,
au sud, à Edoras. Ne reste qu'Arwen, la bien-aimée d'Aragorn.
Let's send her! She'll be a sword-weilding Elven babe!
Mais,
problème. La Communauté, ce sont neuf personnes...
Pas dix personnes. On ne peut pas changer ça... Les Neuf
ont été voulus par Elrond afin de symboliser les neuf Nazgûl.
Que faire? Si on ne peut pas ajouter un membre à la Communauté
mais que l'on veut quand même inclure Arwen, que faire? Remplaçons-en
un... Mais lequel? Legolas? Remplacer un Elfe par une Elfe, quelle
différence? Bon, la question est réglée, et on aura
notre héroïne! Jusqu'ici vous me suivez?
Mais,
second problème. Après la fission de la Communauté
Legolas a suivi Aragorn en Rohan avec Gimli, Pippin et Merry... Alors Arwen
doit être là puisqu'elle remplace Legolas. Mais, attendez:
n'est-ce pas à Edoras, que la princesse Éowyn flirte un peu
avec Aragorn? Si Arwen est là avec son bien-aimé, ça
ne se produira pas, ou alors se pourrait-il qu'on voie un triangle amoureux
à Rohan? Et que dire du rôle d'Éowyn en tant que tel?
La « sword-swinging babe » c'est elle au fond... mais elle
apparaît sur le tard, dans le récit: on dirait que ça
agace les gens. Ils voudraient une super pétasse héroïne
dès le commencement... Mais si Arwen revient du rocher d'Erech avec
son beau Aragorn, à l'heure de la bataille du Pelennor, et qu'elle
tape dans le tas, à coup d'épée, ne vole-t-elle pas
complètement le rôle central d'Éowyn? Je me demande
si quelque part, des imbéciles n'ont pas été jusqu'à
suggérer d'éliminer complètement Éowyn.
Il y
a aussi Glorfindel qui se fait avoir. Pour la seconde fois, en deux adaptations
cinématographiques, Glorfindel est escamoté. Un gars a écrit
sur Internet: « All Glorfindel really did was to bring Frodo a horse.
» Relisez le bouquin, mon cher! Sa seule présence au gué
de Rivendell suffit à effrayer les Nazgûl: un Noldor qui porte,
sur son front, la rémanence de la lumière de Telperion! On
a décidé de donner le rôle de Glorfindel à Arwen,
tout comme on l'avait fait passer à Legolas dans le dessin animé.
Arwen sera donc celle qui se porte à la rencontre des Hobbits et
d'Aragorn. Ils ont même convenu de devancer le moment où
elle les découvre: pour les besoins de son histoire avec Aragorn
elle ferait irruption la nuit où celui-ci est en train de raconter
aux Hobbits la légende de Beren et de Lúthien, les anciens
amoureux Edain (Humain) et Elfe. Bon, disons que ça, ça peut
aller. C'est joli. C'est lyrique. Bravo.
Mais
là, avec un peu de recul, je me dis: spéculations connes
et mémérages stupides que tout ceci! Premièrement...
si Elrond a assez d'ascendant sur sa fille pour la retenir de se marier
avec Aragorn, avant que celui-ci ne fut roi... mais qu'il n'en a pas suffisamment
pour retenir la petite de "partir à l'aventure" avec huit personnes
qui risquent la mort dans des marais et des forêts malfamées,
c'est qu'il y a quelque chose qui cloche à Rivendell. Deuxièmement,
on ne peut pas "effacer" complètement le rôle de Legolas à
cause de toute la relation que ce dernier développe avec Gimli (qui,
lui, soit dit en passant, est interprété par le pote d'Indiana
Jones, Sallah, que l'on voit dans les films Lost Ark et Crusade)...
De plus, un acteur a déjà tourné dans le rôle
de Legolas, ce qui fait taire la rumeur; Arwen ne sera sûrement pas
dans le groupe des Neuf. Uma Thurman est aussi remplacée par une
certaine Miranda Otto dans le rôle d'Éowyn: donc, Éowyn
sera là!, et Arwen n'ira probablement pas à la bataille du
champ de Pelennor. Une autre rumeur idiote qui tombe, percée par
une flèche en plein coeur. Âargh! Boum. Bien visé,
Cupidon.
Les
forums de discussion regorgent de conneries du genre. Que de bêtises!
Ils disent que Galadriel n'est « pas une reine », qu'Éowyn
n'est pas princesse. Ils nomment Elrond: Elron; et Aragorn: Aragor. Qu'est-ce
que c'est que ces conneries, supprimer la dernière lettre des noms?
Et pourquoi pas Frod, Gandal, Giml, Sa, Théode et Denetho pendant
qu'on y est? Vous vouliez aller sur un forum de discussion? Allez d'abord
apprendre à orthographier des mots! (Ils s'engueulent afin de déterminer
qui est le héros. Aragorn! Non! Frodon! Gandalf! Etc. Bande de crétins!
Ce n'est pas Hollywood. Il peut y avoir plus d'un héros.
Ce n'est pas un film de Bruce Willis! C'est de l'Heroic Fantasy, au cas
où vous ne le sauriez pas! Ce sont TOUS des héros!)
Ils
ont sélectionné Howard Shore (le gars qui a écrit
la musique de Seven) pour composer la trame sonore, et nous prions
Ilúvatar de lui donner la force et l'inspiration de ne pas pondre
de la musique nouvel âge vomitivesque! car, une trame sonore, ça
se trouve à être comme qui dirait l'âme de n'importe
quel film. This stuff is almost as important as all the rest put together.
Un mot, un seul mot très important, quasiment magique, a été
prononcé, et il me donne espoir plus que tous les racontars: le
mot celtique. Ah oui? Bon présage!
SAURON? RAVI DE
VOUS VOIR!
Parmi
toutes les modifications qui ont été apportées au
scénario lors de l'adaptation en format « script »,
il en est une, cent fois pire que l'omission de Glorfindel et mille fois
pire que l'omission de Bombadil, cent mille fois plus désolante
que le fait de devancer le moment où Arwen rencontre les Hobbits,
ou le moment où est occis Boromir... Je vous le donne en mille:
Sauron sera présent! Présent, dans le sens de visible.
Il sera là. Il va interagir. S'abaisser au petit train-train de
la guerre. Aiguiser son épée. Fourbir son écu. Parler
à ses hommes. Comme c'est con! Comme c'est décevant! Jackson
nous a fourni, pour seule explication, ces mots d'une stupidité
qui outrepasse les limites Galactiques de la Grande Stupidité; il
a dit et je cite: « to give the audience a tangible villain ».
C'est ici, les gars, que, moi, j'abandonne. Désolé... Dans
l'univers dantesque de Tolkien, nul n'est besoin d'un "méchant"
aussi palpable que dans Piège de Cristal ou Lethal Weapon.
Ça, c'est une erreur. Grossière. Voir Sauron bouger, l'entendre
parler et fulminer, enguirlander ses Orques, non, comprenez-moi: ça
brise tout. Ça gâche tout le reste.
Ce qu'il
y a de magique, ce qu'il y a de solennel, dans ce livre intitulé
Le
Seigneur des anneaux, c'est qu'on ne voit jamais l'Être qui donne
son Titre au livre. Le Seigneur des anneaux est absent de l'action du livre:
c'est là l'originalité de toute la saga. Le seul endroit
de toute la science-fiction, de tout l'Heroic-Fantasy ou du Space Opera
ou de quoi que ce soit, Asimov, Poe, Leiber, Lovecraft, Lucas, Van Vogt,
Graal, Conan, Marvel Comics, Star Trek, Battlestar Galactica,
Goldorak, La Force G, Thundercats, Elric, Hawkmoon,
E.T. l'extraterrestre, et cetera, dans tout ceci, l'unique endroit où
le « Prince des ténèbres » est absent, retiré,
exclu de l'action, vous comprenez, c'est, ou plutôt c'était,
dans Tolkien. C'était vraiment LE plus immense élément
original de tout Tolkien, qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Nulle
part. Nowhere.
Tandis
qu'à présent, Sauron rejoint en quelque sorte le club des
Méchants quétaines, colériques; la Reine des Sylvidres,
Hydargos le Lieutenant de Véga, Thulsa Doom, Palpatine, Nyarlathotep,
et encore bien d'autres cons crevés à la fin de chaque Mel
Gibson, James Bond ou Stallone... « To give the audience a tangible
villain », disiez-vous? Vraiment? Prenez-vous le spectateur pour
un nul? Pensiez-vous que les jeunes Américains de seize ans ne paieront
pas le fric pour aller voir votre foutu long-métrage simplement
parce que leur idiot d'ami Clyde (17 ans) leur marmonnera: « I don't
get it, guys! Who's the real evil dude in there? Who's the fucking
big boss? »
Sauron
aurait pu demeurer tel que dans le texte, c'est-à-dire au sommet
du Barad-dûr, tapi dans une caverne avec la Pierre-Ithil sur un piédestal
devant lui, sans remuer, et les jeunes cons américains auraient
quand même déboursé dix dollars pour voir le film.
Je vous place même mes testicules en garantie là-dessus. Tous,
ils auraient été voir ce film quand même... et qui
sait? peut-être que justement le fait de ne pas voir de «
tangible villain » les aurait poussé un peu à se questionner,
à méditer quelque chose? Comment un être est-il vraiment
si mauvais, et si fort qu'il arrive à manipuler tout un empire,
toute une armée, sans avoir à être présent physiquement?
Et que représente une mainmise aussi totale, aussi omniprésente?
Hélas non. Personne ne se posera ces questions. Pire encore: lorsque
dans une librairie (où il ne met les pieds qu'une fois par an),
ce jeune imbécile de Clyde (17 ans) verra les livres de Tolkien
et qu'il les lira, il criera: « Man, what the fuck? The cool monster
isn't there at all! That's not the book of the film I saw! Where's the
enormous black horned awesome creature with a cape? »
Pourquoi?
Pourquoi? Pourquoi avoir sorti Sauron de sa tour? Quel coup de maître
dans l'art de ruiner une harmonie parfaite! Avant il y avait l'Ombre de
Mordor, l'obscurité rampante, les chatoyances du mont Orodruin dans
le lointain, et le vague, et le caché, et l'insu et l'insaisissable,
tandis qu'à présent, oublié tout ça... car
l'on a un gros monstre cornu et ailé de douze pieds de haut avec
cape et épée de feu! Je trouve ça vulgaire. Rudimentaire.
Sommaire. Fruste. Gauche. Balourd. Maladroit. Bête. Ordurier. Terre-à-terre.
Et c'est surtout d'une tristesse qui ne s'exprime pas avec des mots.
ET PUIS
EN FIN DE COMPTE
Chaque
fois que je lis le programme du Cinéma du Parc tout plein de flagrantes
fautes d'orthographe dans les deux langues, je me rue ensuite à
la salle de bain... parce que je répugne à dégobiller
sur mon beau divan. En effet, cette succession interminable de films du
plus misérable au plus sublime, sur laquelle ergotent gauchement
et sans fin de jeunes crétins de vingt ans (de jeunes crétins
qui bien entendu n'ont jamais lu un livre de leur vie, mais qui ont vu
trois cent quatre-vingt-neuf millions six cent soixante-sept mille quatre
cent cinquante-huit films, et qui vont s'en louer encore un ce soir parce
qu'il pleut), me rend très malade. La moitié des films jamais
produits sont pour eux des films-Cultes, et ils sautent de Cannibal
Ferox à Taxi Driver ou de Almost Famous à
L'Homme-Étron
avec autant de grâce qu'une abeille butinant des pissenlits puants
douchés avec du pesticide... C'est la folle consommation des consommateurs
de la société de consommation qui consomme encore... Mais
voulez-vous que je vous dise une chose, une seule? Je vais vous dire:
En bout
de ligne, qu'est-ce qui est vraiment, véritablement cool et excitant?
C'est de faire le film. C'est d'y travailler. C'est de se trouver,
par exemple, en ce qui concerne Le Seigneur des anneaux précisément,
en Nouvelle-Zélande, et de se creuser la cervelle, et de s'asseoir
en face d'un cahier, et de se faire un petit tableau avec les disponibilités
des techniciens, les prévisions de la météo, les accessoires,
etc; se dire: « Merde! On ne pourra pas faire la scène avec
Saroumane parce que le second décor de falaise n'est pas prêt!
Mais est-ce qu'on pourrait profiter du fait que monsieur Lee est là
pour faire... ah, non, criss: on n'a pas d'Orcs aujourd'hui, et les seuls
maquilleurs sont ceux de Gimli... » Quel rêve! C'est sûrement
ça, la plus belle expérience. Créer. Pas créer
un programme stupide truffé de fautes ou composer des résumés
nuls pour un cinéma où les tapis gluants n'ont pas été
changés depuis le tournage de Rashomon, en 1949, non. Mais
faire partie d'une grande aventure. Ça, oui. Les petits fous qui
travaillent depuis trois ans dans la grosse machine de production du Seigneur
des anneaux, eux, ils trippent. Le reste, nous, on ne fout rien. On
consomme. Notre seule façon de participer un tant soit peu au grand
rêve de la création, c'est, bien bêtement hélas,
d'aller voir ce que ça donne, une fois terminé...
Bien
sûr, faire la queue, pour se procurer des billets, et aller voir
ça, avec son petit cousin, et lui expliquer comment ça se
fait que Saroumane est devenu « bad », eh, ça risque
d'être intéressant; mais une fois que le film se retrouvera,
en 2003, dans le programme du Cinéma du Parc, entre The Hills
Have Eyes et Unbreakable et dans la salle numéro deux,
à dix-neuf heures, ça ne signifiera plus rien du tout, malheureusement.
(Ce ne sera rien d'autre qu'un film-Culte de plus pour des imbéciles
de vingt ans dans une salle moisie, avec des tapis qui collent aux semelles
de vos souliers.)
To bring
them all and in the darkness bind them...

David
Pêle-Mêle
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