Le
bouleau est un arbre majestueux qui pousse abondamment dans nos forêts
québécoises. Omis sont caractère flamboyant (me rappelant
celui qui est dans ma glace tous les matins) ce géant des bois est
aussi apprécié pour sa sève. Mais ce n'est pas de
ça que je voulais parler...
L’autre jour, après
le repas commun à la Cabane à sucre du président de
l’Association des acériculteurs du Québec, nous quittâment
par le sentier pédestre, profitant d’une accalmie suite à
l’émeute provoquée dans un groupe d’enfants, devant le bac
à tire, par David Pêle-Mêle, devenu comme fou à
la vue de tant de glucose répandu sur la neige, je projetai d’une
pichenette au loin mon botch de Monte-Cristo (ne me doutant pas du tout
que de ce geste anodin découlerait une catastrophe que les médias
interpréteraient, évidemment, comme à leur habitude,
tout de travers). Chemin faisant, je rotai mon dû, comme le joli
petit chérubin que je suis, m’extasiant à voix haute sur
la beauté des lieux: « Je me demande de quelle souche sont
ces bouleaux! Au lieu d’avoir de belles petites feuilles ovoïdes,
ils sont affublés de frondaisons touffues et dentelées qui
me rappellent l’oriflamme trois fois haï qui orne souvent, je ne sais
trop pourquoi, les édifices publics. Quoi qu’il en soit, je suis
heureux, et, donc, je les trouves beaux - mais pas à leur place,
exactement comme Mon Marco! ». Ce dernier, justement, s’écria
alors: « Mais voyons Boss! ce sont tous, exclusivement, des érables!
(Grand arbre au bois dur, aux feuilles très découpées,
dont le fruit est muni d’une longue aile membraneuse; en passant, la feuille
d’érable est l’emblème nationale du Can...) -
Ta yeu-eu-eu-eu-eu-eulle!!!
- Heille,
les gars! interrompit soudain le pauvre maître Pêle emmêlé
dans des ronces éparses et des imondices que les visiteurs négligeants
avaient jeté sur leur passage: douilles de 303, cannettes de Guru,
le tourne-vis et l’arête de poisson du jeu Opération,
un stérilet, une pièce de vingt shillings (sans valeur ici),
les lambeaux d’une peau grillée d’un bon poulet barbecue (sûrement
quelqu’un qui ne trustait pas le sirop, s’étant soulagé au
préalable dans l’une des chaudières accrochées aux
bouleaux (la couleur des deux liquides se confondant parfaitement), et,
finalement, le guide Michelin des bars topless de la grande région
de Montréal... Heille! s’écriait-il donc. Au secours, j’chuis
jammé! »
Je n’accourus pas
tout de suite pour secourir le pauvre bougre, mais, de le voir ainsi englué,
me rappela une belle journée de 1967, près du pavillion des
États-Unis, à l’Île Ste-Hélène, où
une certaine barbapapa m’avait causé, à moi, un pareil empêtrement.
Dans le cas présent, cependant, c’était plutôt la myriade
de bâtons de popsicle dégoulinants de tire et dérobés
aux enfants qui immobilisaient Pêle-Mêle, surtout après
que la cohorte des petits monstres l’eut violemment poussé dans
un tas de vieilles feuilles (de bouleaux) mortes de l’automne dernier,
si moisies qu’eux-mêmes n’avaient jamais eu l’intention de se rouler
dedans... Pour les adeptes de Dungeons & Dragons, remémorez-vous
ce à quoi ressemblait le Dimensional Shambler, et c’est de cela
même que Pêle-Mêle avait l’air, mais en plus laid. Moi,
je riai soudain à gorge déployée en pensant à
cet état de choses, tandis que Woody, apitoyé, bêlait
son désarroi auprès de la créature hybride qui, à
présent, ne pouvait même plus parler: une poignée d’humus
ainsi qu’un bâton de popsicle cassé en deux lui obstruaient
l’oeusophage et il ne pouvait plus qu’émettre des ululements lugubres
et syncopés. Sur ces entrefaites, les enfants revinrent à
l’assaut armés de branches de bouleaux cinglantes, et s’en prirent
à la chose, comme un seul homme. Toujours aussi enclin à
secourir son prochain, Mon Marco me jeta un regard hésitant, mais
je lui signifiai de laisser faire: l’enfance est une si belle époque...
En nous dirigeant
vers notre winnibago, nous croisâmes le moniteur au faciès
de nourrisson joufflu que je refusai d’écouter et de suivre avec
les autres sur les sentiers de l’érablière au début
de l’après-midi, parce que l’interprétation, c’est pour les
tronches. - De toute manière, il est de notoriété
publique que le bouleau produit le sirop d’érable.
Après avoir
roulé trente minutes en direction de Montréal, je me rappelai
que Pêle-Mêle était toujours là-bas, mais j’étais
éreinté, et l’omelette au jambon faisait tout un ramdam dans
mon estomac; j’irais donc recueillir demain notre rat de bibliothèque
errant probablement au ras du mont Saint-Hilaire dans une forêt de
bouleaux sinistres. En arrivant dans la métropole, je déposai
Mon Marco chez lui au Palais du Caniche Inc., et je rentrai à toute
vitesse, avec Junior, pour prendre un bain chaud, bien mérité,
dans ma somptueuse salle de bain récemment rénovée
par un confrère russe du Séminaire de Québec, en jolie
céramique bleu poudre. Ce qui fut dit fut fait, et en moins de deux,
je me retrouvai tout penaud dans les bulles avec devant moi la petite étagère
sur laquelle était rangée toute la gamme des produits Druide.
Je me mis alors à hésiter entre le savon au lait de chèvre
et celui aux extraits de pépins d’agrumes, et surtout entre le shampooing
à la protéine de blé entier et celui à la mandarine
et aux huiles essentielles de jojoba, lorsque, tout à coup, du coin
de l’oeil, je remarquai une fiole de revitalisant Pelliculex à la
cantaloupe et au beurre de karité grillé macécé
au jus de réglisse noire et de yogourt arménien, avec urine
de yak. Ce revitalisant, sans l’ombre d’un doute, l’emporta d’emblée
sur les autres produits que je me hâtai de précipiter dans
une chute à déchets installée à cet effet.
Content et satisfait, je m’adossai lourdement sur mon coussin pneumatique
à ventouses à l’effigie de Dick Nixon, et j’ouvris un tiroir
dissimulé derrière les tuiles bleu poudre et dont j’étais
absolument le seul au monde à connaître l’existence (j’ai
fait assassiner le contracteur lorsqu’il eut terminé), et j’en sortis
avec un émerveillement sans cesse renouvelé, ma collection
de vaisseaux pirates miniatures à l’échelle 1:150, et les
alignai sur l’eau, face à moi, en bon ordre de bataille et de grandeur.
Grâce aux bajoues saillantes du Dick gonflable, j’étais confortable
et je prenais mon pied. Mon vaisseau-amiral était une réplique
parfaite du célèbre navire l’Adventure Galley du capitaine
Kidd, qui est mort pendu, comme chacun sait, sur le Quai des Exécutions,
à Londres, en 1701. Pauvre gars.
« Ah! Mille
bombardes! soupirai-je, je suis un véritable boucanier d’eau douce
du futur, eh! eh! eh! »
A ces mots, j’écrasai
d’un coup de poing le navire le plus usé, celui de la Marine royale
espagnole, c’est-à-dire les ennemis jurés de tout pirate
qui se respecte. Ce qui nous amène à parler du sujet de cette
chronique: les Mecs Comiques, nos ennemis jurés, et, donc,
un peu notre Marine royale espagnole à nous.
Nous avons cru remarquer,
dernièrement, à quelques reprises, que les Mecs en
question (pas si comiques que ça, en vérité, selon
moi) nous avaient allègrement dérobé quelques farces,
sans que ça n’y paraisse trop, et bien que nous n’ayons pas de preuves
formelles, je trépigne intérieurement contre ces jeunôts
de l’humour qui tétaient encore leur mère il y a trois ans,
lorsque fut inauguré ce site. Je crois que je vais dorénavant
les avoir à l’oeil, ces petits: nous, on ne badine pas avec la propriété
intellectuelle (et n’allez pas croire que je fais ici allusion à
Valéry Fabrikant!) On dit qu’en haute voltige on peut tomber et
se rompre le cou / c’est pas leur premier vol / arrêtez, bande de
jaloux... Je n’oserais jamais, moi-même, prendre à quelqu’un
une phrase ou un vers sans citer son nom, et surtout pas en cette saison,
le printemps, qui, comme je l’ai si souvent dit, est, de loin, la plus
belle saison de ma vie.
C’était là,
amis de Ma Commune Légère et autres anargyres internautiques
au poil dur, l’opinion vigoureuse et concise que j’avais, ce mois-ci, en
tant que Rédacteur en Chef, dessein de vous communiquer. Revenez
nous cliquer périodiquement pour rester au fait des développements
qui pourraient survenir - qui sait, peut-être qu’un duel à
l’ancienne, à l’aube, au parc Lafontaine, entre les Mecs Comiques
et nous, fleurets et sabres au poing, serait un événement
assez couru par vous, amateurs de blagues salées qui ne sortez que
rarement de vos foyers. C’est à suivre!
Rastaquouère
MacO'mmune
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